Festival Présences 2018 : Philippe Leroux – (d)Tourner |
Comme chaque année depuis 2015, certaines des œuvres interprétées lors du Festival Présences de Radio France ont été enregistrées en son immersif. La plupart d’entre elles ont été sélectionnées pour la mise en espace particulière qu’elles proposent. C’est le cas de (d)Tourner de Philippe Leroux, qui donne à entendre une réflexion sur la notion de circularité dans l’écriture musicale et dans l’espace. On vous explique.
(d)Tourner
Bien qu’il s’agisse d’un concerto pour percussion et ensemble, Philippe Leroux précise qu’il n’est pas question ici de mettre les instruments dans un rapport de rivalité comme dans un concerto classique. Dans (d)Tourner, « la percussion a pour rôle de mettre en mouvement l’ensemble, d’en prolonger les initiatives ou d’en être le relai. Le soliste ne définit pas son identité par son opposition au groupe, mais par une relation de type synergique avec l’ensemble instrumental. En ce sens, il s’agit plutôt d’un synergio que d’un concerto (au sens de concertare qui signifie combattre). » Le « Tourner » du titre vient du mouvement circulaire que Philippe Leroux explore dans son écriture : « Ce peut être sur le plan du déplacement des sons instrumentaux dans l’espace de la scène (les instruments sont disposés d’une façon particulière), de la rotation des mouvements mélodiques ou des transformations de timbre dans les phénomènes de rotation d’archet des instruments à cordes, par exemple. »
Mais il ne s’agit pas ici de Tourner pour revenir sans cesse au même point : la pièce se concentre également sur le détournement de cette cyclicité, de façon à l’utiliser « comme un tremplin vers autre chose. En ce sens, les cercles ne sont jamais parfaits, ils s’allongent, se déforment et sont appelés à conduire l’auditeur sans cesse plus loin, jusqu’aux moments où ils se rompent et l’entraînent vers de nouveaux prolongements sonores. » On pourra donc relever dans cette oeuvre des périodes d’enveloppement et des périodes de trajectoires : « Ce qui compte, c’est la notion de circulation du son. »
Propos extraits de la note de programme.
Du concert à l’enregistrement
Philippe Leroux nous propose donc d’explorer l’idée de circularité à travers l’écriture et le dispositif instrumental de (d)Tourner. En revanche, lors du concert, le public ne se trouve pas au centre du dispositif : il est situé dans la salle, assis sur les sièges de manière traditionnelle, et n’est donc pas à la meilleure place pour ressentir la circulation des sons d’un instrument à l’autre. D’après Philippe Leroux, la représentation frontale est contraignante pour (d)Tourner : « L’idéal serait que les musiciens puissent entourer le public », nous dit-il. Cependant, cette pièce est purement acoustique, et ne fait appel à aucune technique d’amplification. De ce fait, elle nous ramène à la question fondamentale du rayonnement acoustique des instruments dans l’espace. Le studio 104 a été conçu pour que la qualité du son soit la meilleure lorsqu’il provient de la scène. Disposer les instrumentistes dans les gradins autour du public se ferait donc au détriment de la qualité sonore. Philippe Leroux résume ainsi : « J’ai prévu ma pièce pour être jouée sur le plateau, tout en la concevant malgré tout comme si elle entourait le public ».
Il y a donc un intérêt certain à tenter de restituer la circularité de la pièce par l’enregistrement immersif. C’est ce à quoi se sont attelées les équipes techniques de Radio France sous la direction artistique de Paul Malinowski : « Nous avons mis en place un dispositif mettant le spectateur non pas en face mais au cœur de l’espace musical, entre le soliste et le chef d’orchestre, entouré par les dix musiciens de l’ensemble afin de rendre perceptible les effets de rotation. » Sur une note plus technique, il précise : « Quatre micros omnidirectionnels suspendus au dessus de la scène (deux devant et deux au fond) fonctionnent comme une “rose des sons“ et créent les quatre points cardinaux de l’espace sonore global. Puis une vingtaine de microphones de proximité viennent préciser, ancrer la disposition spatiale et enrichir les timbres. »
Ouverture
Peut-on alors parler de position idéale de l’auditeur ?
D’après Philippe Leroux, une ambiguïté persiste malgré tout : « L’idée d’être au centre du dispositif, presque à la place du soliste, est très intéressante. C’est une opportunité pour l’auditeur, mais il s’agit aussi d’un vrai parti pris par rapport à la pièce. En étant dans cette position, l’auditeur risque de perdre le recul nécessaire à l’appréhension de la partie soliste et son lien avec les autres instruments. Bien que ce soit tout à fait recevable, on pourrait aussi imaginer que l’auditeur soit au centre de l’ensemble, et que le soliste soit à un autre endroit, de manière à conserver ce recul. »
Difficile de conclure par une seule affirmation dans ce cas. Peut-être suffit-il juste de dire que si cet enregistrement a le mérite de répondre à certaines questions, il pourra également servir à en poser de nouvelles. Bonne écoute !
par Jules Négrier
Ensemble TM+ :
Gilles Burgos : Flûte
Jean-Pierre Arnaud : Hautbois
Frank Scalisi : Clarinette
Eric du Faÿ : Cor
Julien Le Pape : Piano
Gianny Pizzolato : Percussion
Noëmi Schindler et Nicolas Miribel : Violon 1 & 2
Marion Plard : Alto
Florian Lauridon : Violoncelle
Soliste :
Florent Jodelet
Direction :
Laurent Cuniot
Équipe technique :
Sebastien Royer
Eric Villenfin
Benjamin Vignal
Adrien Roch
Paul Malinowski
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