Info, que veulent les jeunes ? |
Adeptes du « snacking » et exigeant dans leur manière de décoder l’information, les 15-24 ans bousculent les Médias. Comment les éditeurs s’adaptent-ils à cette nouvelle génération ? Retours d’expérience avec des responsables de médias et des observateurs du secteur. C’était lors de la dernière édition du Printemps des Médias à NUMA Paris le 12 mai dernier.
- Les jeunes, un réel enjeu d’audience pour les médias
La génération Z, qui regroupe les individus nés à partir de 1995, est symptomatique d’un changement du monde qui la dépasse bien largement. « Les jeunes n’inquiètent pas les Médias, ils les empêchent littéralement de dormir » explique Eric Scherer de France Télévisions. Nés avec la culture du web et l’explosion des devices, les digital natives bousculent les habitudes dans leur manière de vivre, de travailler, de se divertir et de s’informer. Ils consomment toujours autant de contenu news. Ils les consomment juste différemment. Leur nouvelle façon de s’informer deviendra la norme par un simple effet volumétrique.
« Aujourd’hui, entre un jeune Sud-américain, un jeune Américain et un jeune Français de 25 ans, il y a plus de points communs qu’entre un jeune Français de 25 ans et un baby-boomer français de 55 ans » Emmanuelle Duez, fondatrice de The Boson Project.
- Les digital natives : des « snackeurs » exigeants.
La génération Z est rodée depuis son plus jeune âge à un environnement d’hyper-information et sait mieux que toutes les générations précédentes comment celle-ci se construit et se déconstruit. L’enjeu : capter son attention et la fidéliser. L’information écrite disparaît de plus en plus au profit de la vidéo. Le texte est toujours présent mais en complément de l’image.
Alexandre Michelin, fondateur de Spicee, site français de reportage vidéo a développé des formats de grand reportage : 5, 15, 30 ou 52 minutes en fonction du temps de disponibilité de l’internaute. La ligne éditoriale : des sujets parfois refusés par les diffuseurs télé dont la plateforme cherche à se différencier comme cette série de reportages sur le Brésil.
De même, les YouTubers ne souhaitent pas se diriger vers la télévision qu’ils considèrent comme trop formatée. Le succès de YouTube est dû à son côté authentique, non formaté qui permet tous les formats de narration possible.
Hugo Travers a ainsi trouvé son public sur YouTube, passe par un MCN mais refuse toute rémunération liée aux nombres de vues sur la plateforme vidéo afin de garder son indépendance éditoriale.
Hugo Travers est étudiant à Science Po Paris. Il a lancé une chaîne YouTube de décryptage de l’information. Il a 150 000 abonnés et ses vidéos obtiennent entre 60 000 et 100 000 vues.
- Plus que de l’infotainment, de l’info-expérience
Les jeunes veulent participer au processus de fabrication de l’information. Un adolescent préfère se poser des questions en vivant une expérience que recevoir une information de manière verticale. C’est un digital native. Il est depuis toujours le prescripteur de sa propre navigation voguant de source d’information en source d’information. Or la navigation est une expérience.
Là où la valeur du contenu était traditionnellement associée au format : radio, télévision ou presse écrite, celle-ci est de plus en plus associée à la notoriété de la marque Média dans un environnement web multi-format et à la capacité de celle-ci à fournir une expérience forte à l’internaute.
Chez les Observateurs de France 24 et l’Atelier des médias de RFI, le participatif est piloté par une rédaction en chef qui hiérarchise et valide l’information. Spicee a également fait ce pari: l’internaute suit le processus de découverte et de fabrication de l’information en même temps que le journaliste grâce au format immersif de la vidéo. Il fait virtuellement l’expérience du terrain. Et cela fonctionne: 40% des abonnés à Spicee ont moins de vingt-cinq ans.
- La data au service de la conception de l’offre numérique
Les data analysts et les data scientists font leur entrée dans les rédactions. Avec Big Fish, Weborama a mis en oeuvre une technologie de data science qui analyse les conversations en temps réel sur Internet. « Cette technologie nous permet d’observer les comportements de l’audience et, à partir de calculs, de les anticiper » explique Laurence Bonicalzi Bridier. Big Fish permet également d’évaluer le degré d’affinité d’un public avec une offre numérique proposée et de la faire évoluer en fonction des besoins ou des attentes.
C’est grâce à l’analyse de la data que l’on a pu faire le constat que les jeunes délaissaient les médias sociaux au profit des messageries instantanées. Les médias s’adaptent à cette nouvelle tendance. Ils sont de plus en plus nombreux à essayer de séduire leur audience jeune via des applications de messagerie. Les Américains sont les premiers à avoir franchi le pas. Le Huffington Post utilise Viber, le Washington Post est sur Kik et Buzzfeed est sur Line. En Europe, 20 minutes à couvert la Coupe du Monde de Rugby 2015 via What’s app. Un dispositif permettant aux internautes de s’inscrire à des sujets d’actualité via mot-clef, de s’informer au rythme des notifications et de dialoguer directement avec le Média.
L’enjeu des Médias aujourd’hui ? Rester attentifs aux usages de cette génération et agiles dans la conception des offres numériques pour répondre à leurs attentes.
A lire :
Comment les jeunes français consomment de l’information sur Facebook, Slate, mars 2017
Courts et multi-écrans : les formats qui séduisent les Millennials, Méta-Média, février 2017
How Americans Get Their News, Pew Research Center, juillet 2016 (en anglais)
L’info et les jeunes, le grand malentendu, Mediatype, janvier 2016
Comment Snapchat compte devenir le média d’informations des jeunes, Méta-Média, décembre 2015
How Millennials Get News: Inside the habits of America’s first digital generation, American Press Institute, mars 2015 (en anglais)
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