Lydie Salvayre (3/3) |
Épisode 46 - Parlez-vous fragnol ?
« On me dit qu’elle avançait comme un bateau, droite et souple comme une voile. On me dit qu’elle avait un corps de cinéma et portait dans ses yeux la bonté de son cœur. » Au début de son roman Pas pleurer, Lydie Salvayre décrit sa mère, Montserrat Montclus Vaqué, née en 1921 dans une famille de petits paysans catalans. « Aujourd’hui elle est vieille, le visage ridé, le corps décrépit, la démarche égarée, vacillante, elle souffre de troubles de la mémoire, mais elle garde absolument intacts les souvenirs de cet été 36 où a lieu l’inimaginable, et qui fut sans aucun doute l’unique aventure de son existence. »
L’inimaginable, c’est la guerre civile espagnole (1936-1939) que l’autrice reconstitue avec fièvre en s’appuyant sur deux témoignages : celui de l’écrivain français Georges Bernanos qui dénonça la répression militaire « massacrant des misérables » avec la bénédiction de l’Église catholique, et celui de sa maman qui « remue les cendres de sa jeunesse perdue » quand elle vécut à 15 ans une « expérience libertaire » pleine d’allégresse dans l’utopie des terres temporairement mises en commun. Au creux de cette Espagne en feu, l’épopée de « Montse » nous est parfois contée dans une langue « transpyrénéenne » au rythme inouï, le « fragnol » : un français « estropié » par des ibérismes accidentels de toute beauté.
Publiée en 2014 aux éditions du Seuil, cette « autobiographie par anticipation fictive » (selon le critique Dominique Viart), qui narre la rencontre de ses parents, leur engagement auprès des républicains et, in fine, leur exil forcé et leur installation en France dans des conditions extrêmement précaires, fut sacrée du Goncourt et s’écoula à 410 000 exemplaires. Au cours de ce dernier épisode, nous allons voir ce qu’il faut de joie – et de travail – pour ne pas pleurer.
Enregistrements : septembre 2021.
Entretien, découpage : Richard Gaitet.
Prise de son, montage : Sara Monimart.
Réalisation, mixage : Charlie Marcelet.
Musiques originales : Samuel Hirsch.
Trompette : Valentin Pellet.
Lectures : Anne Steffens.
Illustration : Sylvain Cabot.
Production : ARTE Radio.
Musiques originales : Samuel Hirsch - Trompette : Valentin Pellet