Sur France Inter, les Maldives, un paradis très artificiel |
Sur un atoll de rêve du bout du monde, un luxueux complexe hôtelier vante sa conscience écolo… Une immersion aussi effarante que grinçante dans “La Terre au carré”, ce vendredi sur France Inter.
Musique relaxante. Eau turquoise et palmiers. Marbre partout et salles de bains gigantesques. Bienvenue au paradis du complexe hôtelier de luxe Patina, ouvert en mai dernier sur une île des Maldives. Là, au milieu de l’océan Indien, on promet aux touristes un lieu de villégiature paradisiaque et respectueux de l’environnement. « Aujourd’hui, les gens ne recherchent pas juste des loisirs, mais des expériences qui ont du sens. On peut avoir une expérience de luxe ultime tout en ayant conscience de la nature dans laquelle on est », assure la directrice marketing au reporter Giv Anquetil, trimballé à bord d’une voiturette de golf. On se croirait carrément dans un spot publicitaire. Ce ton émerveillé ne ressemble pas vraiment au journaliste, qui nous avait habitués à ses enquêtes de terrain mordantes, dans sa série Je reviens du monde d’avant, débutée l’an passé.
On est vite rassurés. Le reporter de La Terre au carré, sur France Inter, ne se prive pas d’un ou deux commentaires acides aux voyageurs rencontrés, pas vraiment embarrassés par leur bilan carbone exorbitant. Et il remarque les chiffres encore apparents sur les palmiers, numérotés car transplantés depuis d’autres îles. Il ne manque pas non plus de nous faire écouter le vrombissement de la climatisation qui rafraîchit ces messieurs-dames. Certes, des panneaux solaires sont là pour garantir une électricité « verte »… mais n’assurent que 15 % des besoins en énergie de l’hôtel. Le reste est produit par des groupes électrogènes qui fonctionnent au diesel. Quant au sable fin des plages, il provient du fond de l’océan. Ici, on vient se connecter à une nature… artificielle. Avant que les Maldives ne disparaissent sous l’eau de l’océan qui monte.
Montagnes de déchets
La dernière chose à couler sera peut-être la montagne de déchets qui se dresse derrière quelques palissades, sur l’île poubelle de Thilafushi. Aux Maldives, chaque touriste produit en moyenne 3,5 kilos de déchets par jour. Et ils sont plus d’un million par an à venir passer leurs vacances sur les atolls. Par comparaison, un habitant local produit 1,7 kilo de déchets journaliers, précise le cofondateur de Zero Waste Maldives. Une autre militante raconte la faune et la flore qui peuplaient le récif corallien avant son artificialisation par l’industrie touristique. « Ils les ont enterrés vivants ! Nous ne sommes pas sur des îles mais sur des cimetières marins ! » On nage en plein « cauchemar éveillé ». Comme à son habitude, Giv Anquetil allège sa déambulation lugubre par une écriture enjouée, qui nous arrache parfois un sourire triste. Une manière, sans doute, de nous ménager pour que nous parvenions à garder les yeux bien ouverts sur la réalité. Il va falloir s’accrocher : La Terre au carré nous annonce un reportage de ce genre par mois. Destination : lucidité.