Podcast : “Un temps de cochon” fait revivre l’exil des réfugiés du franquisme |
Dans les années 40, des centaines de républicains espagnols fuyant le franquisme furent enfermés dans le camp de Septfonds, dans le Tarn-et-Garonne. Benoît Bories a rencontré le dernier survivant et les descendants des prisonniers.
De 1939 à 1945, des centaines de réfugiés ont été emprisonnés dans le camp de Septfonds, dans le Tarn-et-Garonne, lors de la Retirada — ou exode des républicains espagnols vers la France. De ce lieu de mémoire, on s’apprête depuis peu à faire une porcherie. Alerté par une association, le documentariste Benoît Bories décide de donner la parole au dernier survivant de ce camp, Joaquim. Pour Un temps de cochon, il recueille aussi les témoignages de Floréal ou Mercedes, descendants de ceux qui furent un jour retenus à Septfonds.
Diffusée dans Le labo sur la Radio Télévision Suisse (RTS), sa pièce radiophonique fait entendre des voix pleines d’émotions qui racontent la traversée de la frontière, les voyages en train, la vie en captivité. Recueillis avec pudeur, des souvenirs intimes et bouleversants se mêlent aux sons du présent pour conter ce qu’est l’exil, et la manière dont se construit un avenir avec un passé déchiré.
Pourquoi vous intéressez-vous aux camps, sujet que vous abordiez déjà en 2013 avec Sœurs de camp, sur Arte Radio ?
Ils traduisent la mémoire des villes. Au-delà de l’aspect mémoriel, je voulais raconter le langage universel de l’exil. Qu’est-ce que de partir de son pays, de s’établir ailleurs ? Comment se reconstruire dans un espace qui n’est pas le sien ? A travers trois parcours de descendants, j’essaie de recomposer une histoire familiale brisée par les frontières. Ici, ils sont tous originaires d’Espagne, mais ces récits font aujourd’hui écho au parcours des Syriens, ou même au déplacement interne des populations, à l’exode rural. Je cherche à expliquer ce que provoque la cassure.
Comment avez-vous recueilli ces témoignages ?
Le documentaire radio n’étant pas ma principale activité (je suis créateur sonore), je peux travailler sur ce type de sujets en parallèle, sur un temps long — j’ai été ici aidé par la bourse Gulliver, de la SACD. Toutes les semaines, pendant trois mois, je me suis entretenu avec Joaquim, Floréal, Juan, Mercedes et les autres. Au début, j’enregistrais seulement des moments du quotidien : le travail de paysan de Floréal me tenait par exemple à cœur. Puis, au bout du troisième entretien, ils ont commencé à se livrer, à faire revivre des scènes par l’anecdote, ce qui évite l’analyse surplombante.
Comment concevez-vous les ambiances sonores ?
Au travers de sonorités, de musiques, j’aspire à créer des images mentales qui ne soient pas artificielles. Je travaille beaucoup autour de la cartographie sonore, de ce qui n’est pas de l’ordre du dicible mais du suggéré. J’associe les sons du quotidien aux personnages, dessinant ainsi des nappes sonores assez musicales et récurrentes, qui permettent à l’auditeur de se repérer et de se reposer.