Sur France Musique, Molière en vers et en notes dans “Les Fâcheux” |
“Le Malade imaginaire”, “Le Bourgeois gentilhomme” étaient à l’origine des spectacles musicaux. En exhumant “Les Fâcheux”, une comédie-ballet à réécouter en podcast, France Musique donne un bel aperçu des spectacles composés par le dramaturge avec le musicien et danseur Pierre Beauchamp.
Dans cette « comédie conçue, faite, apprise et représentée en quinze jours » (selon son auteur, Molière), Éraste veut retrouver sa promise Orphise. Voilà qui paraît simple, mais s’avère au fil des minutes d’une complexité redoutable. Car des Fâcheux — qui donnent à la pièce son nom — s’interposeront entre lui et sa belle tout du long. Il y a ce boulet qui lui chante un air inepte et veut lui apprendre un pas de danse ; cet autre qui lui demande de se battre en duel pour lui ; cet autre encore qui raconte une partie de cartes qui a mal tourné. « De quelque part qu’on se tourne on ne voit que des fous », note, désabusé, notre héros. La cerise sur l’entremets étant ce pédant « Français de nation et Grec de profession » qui lui demande instamment de présenter son placet au roi… Fantaisiste, voire loufoque, l’œuvre est la première comédie-ballet de l’histoire, signée de Molière donc et du chorégraphe et compositeur Pierre Beauchamps (1631-1705).
C’est le Centre de musique baroque de Versailles qui a exhumé, pour France Musique, cette partition un peu oubliée. « Il est intéressant de replacer la musique dans les pièces de Molière, explique son directeur, Nicolas Bucher. On oublie souvent qu’elle fait partie intégrante du Malade imaginaire ou du Bourgeois gentilhomme. Seulement, monter l’œuvre avec des musiciens coûte plus cher ! La tradition a sanctuarisé Molière comme dramaturge, et ses créations sont devenues des pièces de théâtre, et non des spectacles musicaux comme à l’époque. » Clément Rochefort, producteur de la station et présentateur de cette soirée, voit dans ces Fâcheux « le témoignage d’un moment historique, à savoir une fête donnée à Vaux-le-Vicomte par Nicolas Fouquet en 1661, qui a été le prototype de celles de Versailles ».
Sur la scène du studio 104 de la Maison de la radio, point de jets d’eau, feux d’artifice ou « banquet pantagruélique mitonné par Vatel ». Mais des saillies drolatiques, des quiproquos virevoltants. Les comédiens de la compagnie des Malins plaisirs font montre d’une énergie roborative qui irrigue efficacement ces trois actes. Portée par l’ensemble Le Caravansérail, que dirige Bertrand Cuiller, la musique se glisse dans les interstices, donne à goûter des intermèdes — sans ballet. Même si elle paraît un brin artificielle, l’œuvre ainsi ranimée se laisse volontiers savourer. Ses dialogues affûtés et vipérins y participent bien.
À écouter
q Les Fâcheux, comédie-ballet de Molière et Pierre Beauchamps, sur France Musique. 2h.