Podcast : trois ados et une forêt hantée |
Une ado témoin de phénomènes surnaturels, une autre enfermée dans sa chambre par ses parents… La jeune réalisatrice Alice Kudlak explore la sensation de terreur, en plaçant l’auditeur au plus près de ses personnages.
Dans le Jura, des nuages dorés défilent au-dessus de la montagne tandis qu’un renard passe au loin. Asra, jeune fille curieuse et débrouillarde, trompe son ennui adolescent en se postant à l’affût dans la forêt en compagnie de Gisèle, sa lampe-torche. Dans cette région où le réseau est capricieux, elle communique avec ses amies par la bonne vieille radiodiffusion. Bernie et Charlène moquent d’abord son goût pour les déplacements des musaraignes ou des souris. Avant de s’inquiéter : Asra décrit des comportements animaux inquiétants, voit leurs museaux couverts d’une substance noire, puis distingue des mains visqueuses, surnaturelles, auxquelles s’abreuvent les bêtes…
Forcément, on pense au Projet Blair Witch, film américain horrifique de 1999 utilisant le found footage (1) . Mais si Forêt/Cache/Arbre joue bien sur le fantastique et la tension, la série en cinq épisodes prend vite une autre dimension. Le son occupe magistralement l’espace : celui des bois, mais aussi celui de la chambre où Charlène est enfermée par ses parents, ou encore le vide de la nuit soudainement empli des crachotements de la radio, avant la rupture soudaine du signal. La fiction manie aussi bien l’extime que l’intime, creusant en parallèle du paranormal l’ordinaire d’adolescentes attachantes, qui ont à la fois les pieds sur terre et le cœur gorgé d’émotions.
Aux manettes de cette fiction, une apprentie comédienne de 23 ans, Alice Kudlak, qui l’a écrite et réalisée sur son temps libre. Elle s’est inspirée du Jura où elle a grandi, ainsi que de podcasts américains comme Welcome to Night Vale ou Alice isn’t dead. « J’avais envie de me pencher sur la sensation de terreur, explorer ce que provoque en nous la panique, voir comment on peut réagir à ce qui nous dépasse. » Avec tendresse, la jeune femme a façonné les personnages d’Asra, qu’elle interprète, Charlène (Clara Choï) et Bernie (Kate Perrault). « Ensemble, elles forment un portrait assez réaliste de moi ! » On entend leurs remous intérieurs, leur fantaisie, leurs craintes — en particulier celles de Charlène, dont le mystérieux beau-père semble menaçant.
L’auteure ne disposant d’aucun financement, pas question d’aller enregistrer en pleine nature. « Nous avons répété les textes au bois de Boulogne, pour nous donner la sensation de la forêt », précise-t-elle. Mais c’est en quarante-huit heures seulement, dans un studio, que les ambiances soigneusement imaginées ont été recréées, avec l’aide de l’ingénieur du son et compositeur Rocco Vallognes. En plus de bluffer par sa maturité, et un sens du son déjà fort développé, le résultat parvient à émouvoir et faire frissonner.
(1) Littéralement : « enregistrement trouvé ».