Jean-Luc Godard s\'entretient avec Olivia Gesbert sur France Culture |
Entre fulgurances, railleries savoureuses et confidences sur sa mère, Jean-luc Godard nous ouvre les portes de son appartement et se livre au micro d’Olivia Gesbert. C’est sur France Culture.
La voix est chevrotante. Mais ce n’est pas nouveau : Jean-Luc Godard a toujours eu cette voix tremblée, étrange, signe de fébrilité ou de multitude – comme si plusieurs personnes cherchaient à parler en même temps. « Je suis cent mille autres », dit-il un moment, détournant la formule fameuse de Rimbaud. On est heureux de l’entendre, de le savoir vivant, quel que soit le degré d’affection ou d’agacement que l’on éprouve pour lui. La dernière fois, c’était l’an dernier au Festival de Cannes, pour sa conférence de presse 2.0., dadaïste, via FaceTime, où les journalistes en file indienne venaient l’interroger comme on consulte un oracle. A l’occasion de la diffusion du Livre d’image, sur arte.tv dès le mercredi 17 avril, et sur Arte le mercredi 24 avril, Olivia Gesbert de France Culture est allée chez lui, à Rolle, près du lac Léman, pour enregistrer ses paroles.
Au début, ils sont dans la petite salle de montage. Puis ils passent au salon. Godard redit des choses à propos de la citation et des droits d’auteur mais qui valent d’être réentendues (« On a plus de devoirs que de droits »). Il raille les étudiants de cinéma (« des jean-foutre »), les journalistes « [qui ] ne sont pas des gens malheureux. Hélas pour eux ». Comme toujours, il y a des facilités, mais aussi des choses à piocher, des fulgurances, des paradoxes à méditer (« L’Europe existe, il n’y a pas besoin qu’on la fasse surexister par des traités »).
Confidences étonnantes
Est-ce le tact d’Olivia Gesbert, son sens de la libre conversation, de la libre association presque, le fait qu’elle interroge moins qu’elle ne cherche à défricher en écoutant surtout ? Toujours est-il que Godard, en confiance semble-t-il, se livre à quelques confidences assez étonnantes, sur la psychanalyse (« J’ai fait quinze ans d’analyse »), l’influence de sa mère comme photographe, l’épitaphe à laquelle il a songé avec Anne-Marie Miéville, sa compagne – pour elle, ce serait « J’ai des doutes » ; pour lui, « Au contraire ». Il raconte aussi qu’il est tombé gravement malade, juste après l’attentat contre Charlie Hebdo. Il s’en est bien sorti. Il a aujourd’hui 88 ans, il rêve toujours beaucoup. Autre bonne nouvelle, il travaille sur son prochain film, au titre bigrement ironique : Scénario.