Podcast : dans le labo des BO d’Alexandre Desplat |
“The Grand Budapest Hotel”, “De rouille et d’os”… Sur France Musique, le compositeur de bandes originales Alexandre Desplat décrit son travail de stakhanoviste. Et l’art subtil d’accorder la partition à la pellicule.
« J’ai cherché, vous savez, ça n’apparaît pas comme ça. C’est une réflexion qui prend des heures. Et chaque heure qui passe est une torture, car vous ne pouvez pas laisser entrer un metteur en scène dans votre studio sans avoir rien à lui jouer. » Non, écrire la musique d’un film n’est pas un long fleuve tranquille, assure Alexandre Desplat, invité de Jean-Baptiste Urbain dans Les grands entretiens, sur France Musique. Compositeur de la bande sonore de plus de deux cents longs métrages, lauréat de deux oscars (The Grand Budapest Hotel, La Forme de l’eau) et de trois césars (De battre mon cœur s’est arrêté, The Ghost Writer, De rouille et d’os), le quinquagénaire est plus tourmenté qu’il y paraît. Plus fourmi que cigale. A son intervieweur qui ose la question, il tranche net : « Mon temps libre ? Je n’en ai pas. Ma méthode pour pouvoir écrire vite est de travailler beaucoup, voilà. Je n’en ai pas trouvé d’autre. » Quant à l’inspiration ? Balayée d’un revers de main : « Ça n’existe pas. C’est un mélange : un état d’esprit, une éducation, une culture, une curiosité, et la rencontre de tout ça avec un objet qu’on vous propose et qui va cristalliser tout ce qui est en vous. »
Petit, Alexandre sèche ses cours de trompette pour le foot
Ces entretiens en compagnie du compositeur à la voix calme et enrouée sont l’occasion de rappeler ses débuts, qui ne laissaient rien présager : petit, Alexandre Desplat séchait ses cours de trompette pour aller jouer au foot. Adolescent, il découvre la flûte – un nouveau langage pour lui, si peu bavard –, mais échoue au concours d’entrée du Conservatoire de Paris. Quant au premier film dont il compose la musique à l’âge de 25 ans, Le Souffleur, il n’est jamais sorti en salles…
L’émission nous plonge, surtout, dans le travail de recherche du compositeur. A chaque film sa mélodie (souvent familière à nos oreilles) : calquée sur le rythme des vagues pour La Forme de l’eau, de Guillermo del Toro (2017) ou « miniaturisée » pour le film d’animation Fantastic Mr. Fox, de Wes Anderson (2009). Le Discours d’un roi, de Tom Hooper (2010), constituait quant à lui un véritable défi : « C’est l’histoire d’un personnage qui ne peut pas s’exprimer. Donc chaque fois que j’imaginais un motif mélodique qui se développait, ça ne fonctionnait pas ! Ça ne pouvait être que quelque chose qui bégaie, qui se répète, qui n’avance pas. » Le compositeur opte alors pour une seule note… qui ne se déploiera véritablement que lors de la scène finale, où George VI réussit à prononcer son discours. Rien de flagrant, « mais le spectateur le ressent de façon inconsciente ». Un travail de l’ombre, tout en finesse.