Laurent Chalumeau (3/3) |
Les gestes qui sauvent.
Avec Le Siffleur, Laurent Chalumeau inaugure en 2006 une série de cinq romans d’escroquerie frontalement rigolards, plantés sur la Côte d’Azur -qui pullule soudain de bras cassés infoutus de réussir le moindre braquage. «Le V8 de la Mustang 1967 grondait voluptueusement, cramant vingt litres au cent et polluant l’air marin, Maurice retrouvant des sensations oubliées, sourdement excité, s’il était honnête, par le petit voyage dans le temps qu’il était en train de s’offrir. À supposer bien sûr qu’un sermon servi aux deux trompettes avec le ton qu’il faut suffise à les calmer. Si les mecs jouaient aux durs, que l’affaire partait en burnes, Maurice savait pas trop jusqu’où il saurait suivre. Mais là, de se retrouver comme ça aux commandes d’une vraie tire, fringué au rayon hommes pour changer de d’habitude, avec la perspective de recadrer deux merglus avant d’aller se coucher, Maurice, pour un peu, aurait remercié le ciel de lui avoir prêté vie et maintenu la santé.»
Le roman sera transposé au cinéma par Philippe Lefèbvre, avec François Berléand et Virginie Efira. «Écrire bien, ça ne veut rien dire», dit Laurent Chalumeau, pas mécontent des 15 000 exemplaires écoulés du roman suivant, intitulé Les arnaqueurs aussi. «Mais écrire de façon efficace et adaptée à son sujet, ça signifie savoir où appuyer, à quel moment et avec quelle intensité. Comme chez l’ostéo ou chez le kiné.»
Ces gestes qui sauvent (un roman, un dialogue, une intrigue, un personnage), Laurent les a appris en étudiant, pendant des années, la prose «zéro pour cent de matière grasse» de l’Américain Elmore Leonard, que Quentin Tarantino adapta sur grand écran via Jackie Brown. En résulte un essai passionnant signé Chalumeau aux éditions Rivages en 2015, Elmore Leonard, un maître à écrire, bourré de conseils pratiques à suivre dans ce troisième épisode. Des trucs et astuces de narration, qui lui ont permis de bâtir des bouquins comme Un mec sympa , Bonus ou Kif, ses «petits polars légers, secs et nerveux, garantis sans prêcha», conçus comme «un vin de soif, gouleyant, à boire frais». «La seule vraie noblesse de cet artisanat, dit-il encore, c'est d'essayer de produire la moins chiante des lectures possibles. C’est DU boulot, mais jamais ça ne me fait l’effet d’être UN boulot. Mettre un mot après l'autre et voir la gueule que ça a. Joie de l’encre noire.»
Crédits:
Enregistrement: mai 2023
Mise en ligne: 19 juillet 2023
Entretien, découpage: Richard Gaitet
Prise de son, montage: Mathilde Guermonprez
Réalisation, mixage: Charlie Marcelet
Musiques originales: Samuel Hirsch
Lectures: Chloé Assous-Plunian, Arnaud Forest, Mathilde Guermonprez
Illustration: Sylvain Cabot
Remerciements: Clarisse Le Gardien
Production: ARTE Radi