Sur France Musique, l’univers impitoyable de la pianiste Nadia Boulanger |
“Les trésors de France Musique” rend hommage à Nadia Boulanger, professeure tyrannique et géniale de Philip Glass, Michel Legrand ou encore Quincy Jones. À écouter lundi 21 octobre.
Elle a été élevée par une mère « invraisemblablement intelligente », « impitoyable dans ses jugements », selon ses mots. Nadia Boulanger (1887-1979) a laissé une image austère : habillée de noir, elle portait un chignon strict, des lunettes cerclées. À 20 ans, elle avait décidé qu’elle ne serait finalement pas compositrice, à la différence de sa sœur Lili. La liste des élèves de la légendaire enseignante donne le tournis : Jean Françaix, Aaron Copland, Pierre Henry, Philip Glass, Astor Piazzolla, ou encore Quincy Jones. Celle de ses amis — Paul Valéry, Claude Debussy, Igor Stravinsky… — ne remet pas d’aplomb. « Je l’aimais autant que je la haïssais », disait d’elle l’un de ses chouchous, le compositeur Michel Legrand, qu’elle tenta (sans succès) de détourner du jazz.
Cette pédagogue hors pair, aussi terrifiante — car tyrannique — que stimulante, revit par l’intermédiaire d’une archive exhumée pour Les trésors de France Musique, lundi 21 octobre. Françoise Monteil a choisi des extraits d’une émission diffusée par la station en 1974 (Que savons-nous de ? Le champ de la méditation). D’une voix un peu chevrotante, la quasi-nonagénaire explique l’origine de cet enregistrement : « Je venais de voir avec mes élèves des mélodies de Fauré, que souvent je garde dans le silence de peur qu’on ne les comprenne pas bien. Tout d’un coup je me suis avisée qu’il fallait oser en parler. »
Elle ose dire du bien
Tout en exhortant à considérer l’écoute musicale comme « une source de bonheur, pas d’application ou de théorie », elle ose donc dire tout le bien qu’elle pense de certains morceaux. De la Cantate BWV 70 de Bach, « qui nous transporte dans un monde d’extrême subtilité », au Quatuor « Les Dissonances », de Mozart, « qui commence par l’une des pages les plus mystérieuses de la musique ».
Elle loue Seven Tears, de John Dowland (« vous devez en apprécier le charme et la réflexion »), ou encore le « dessin acéré, souple » de Danseuse, de Fauré. De ce dernier, elle vante aussi « la personnalité si étonnante, si réservée ». Porté par ses analyses fines et si impeccablement formulées, l’auditeur pourra poursuivre la semaine (1) en écoutant, mardi et mercredi au même horaire, des émissions sur le pianiste américain Noël Lee et le chanteur polonais Doda Conrad, deux des bénéficiaires de son « école de la rigueur et de l’effort ».