Sur France Culture, un “Moby Dick” épique et symphonique |
Le compositeur Fabien Waksman transforme la chasse au cachalot tueur d’Herman Melville en une symphonie déferlante. Qui puise dans la poésie et l’ivresse furieuse du roman. Grandiose ! À écouter dimanche 27 octobre à 21h sur France Culture.
Un capitaine obsédé par une baleine blanche tueuse, un jeune marin attiré par les mers interdites et la menace d’une prophétie indienne flottant sur l’équipage… Quelle épopée plus épique que Moby Dick, publiée en 1851 par l’Américain Herman Melville ? Il fallait bien un orchestre symphonique pour être à la hauteur du lyrisme de ces pages, adaptées par France Culture en concert-fiction. La partition proposée par le compositeur Fabien Waksman transporte l’auditeur dans les mers du Sud, à bord du baleinier dirigé par le redoutable Achab.
Les vagues de l’océan s’entendent dans les envolées de la harpe, la mélodie des vents sonne comme les embruns glacés qui giflent le visage des harponneurs… « Les rebondissements de la chasse sont comme des montagnes russes. On devait sentir ces variations de rythme dans la musique, souligne le romancier Stéphane Michaka, qui signe l’adaptation du texte au prix de choix cornéliens. Soyons lucides, on ne peut pas adapter Moby Dick en une heure quinze ! J’ai voulu donner plus de place à la chasse en elle-même, qui ne représente que quarante pages dans le livre. J’ai également insisté sur l’onirisme du récit, pour faire sentir sa dimension tragique, mais aussi toute la rêverie qui traverse ces personnages hantés par le Léviathan. »
Comédiens, partition, texte… tout dans cette adaptation pousse à se laisser emporter par le baleinier fou
En nos temps écologiques, difficile d’accepter que la traque de la baleine puisse être une activité poétique. Et pourtant. On se prendrait presque à envier le marin Ismaël, installé en haut du grand mât, abandonné à la contemplation romantique dans la langueur des tropiques en attendant le drame : l’apprenti harponneur croisera des canots éventrés et des corps déchiquetés…
La chasse commence, devient métaphysique. Au son des cuivres tonitruants et des tambours impérieux, Achab laisse éclater son désir de vengeance, son obsession folle pour Moby Dick, qu’il poursuit depuis quarante ans… Par professionnalisme ? Addiction à l’adrénaline ? Amour-haine pour le monstre invisible ? Hervé Briaux, qui interprète le capitaine avec brio, laisse entrevoir toute la complexité du despote, qui n’est au fond qu’une douleur ambulante. Les comédiens, la partition, le texte profond et enlevé, tout dans cette adaptation pousse à fermer les yeux et se laisser emporter par ce baleinier fou, guidé tant bien que mal par des hommes venus des quatre coins du monde, mais « unis par le bois d’une seule quille »…