Quand deux psys inventaient l’asile à taille humaine au fin fond de la Lozère |
Dans “Une histoire particulière”, sur France Culture, Didier Daeninckx revient sur l’histoire de Saint-Alban-sur-Limagnole, où deux psys ont révolutionné l’hôpital pendant la Deuxième Guerre. Juifs et résistants y trouvèrent notamment refuge. Diffusion de la première partie samedi 23 novembre à 13h30, puis la seconde dimanche 24 novembre à la même heure.
L’endroit ne semble pas hospitalier. Il est situé « à 1 000 mètres de hauteur, dans un village minéral d’une région pauvre et aride, la Lozère ; la rue de l’Enfer y monte ». Ainsi Didier Daeninckx décrit-il l’asile psychiatrique de Saint-Alban-sur-Limagnole, auquel il consacra en 2015 le roman Caché dans la maison des fous (éd. Bruno Doucey). Dans ces deux épisodes d’Une histoire particulière, sur France Culture, il met en lumière ce lieu étonnant. Un hôpital hors du commun, qui accueillit entre 1940 et 1944 des Juifs, des résistants et des artistes, dont Paul Éluard, auteur du poème « Liberté ». « Il doit son salut à deux psychiatres hors normes, Lucien Bonnafé et François Tosquelles, qui vont en faire un lieu à part, engagé dans la résistance et la révolution psychiatrique », note la productrice Hélène Delye.
Pour ces soignants, les personnes délirantes sont « considérées comme humaines », note la fille de François Tosquelles, qui se souvient d’une patiente délestée de sa camisole et doucement insérée dans la vie de l’institution, où elle effectuait de menus travaux. Didier Daeninckx dit son admiration pour ces précurseurs qui proposent « un théâtre, un ciné-club ou une bibliothèque » à leurs pensionnaires : « Ça se passe dans la pire des nuits pour le monde [la Seconde Guerre mondiale, ndlr] ; un temps où certains lâchent la rampe, tandis que d’autres inventent. »
Grandis à l’asile, les enfants Tosquelles s’émerveillent de cette période où tous les soirs il y avait « danse, chorale, jeux psychomoteurs ». « Ce sont les malades qui nous ont élevés », poursuit l’une d’eux. Le duo Bonnafé-Tosquelles aura « fait émerger un courant majeur de l’histoire de la psychiatrie, la psychothérapie institutionnelle », précise Hélène Delye. « C’était un homme qui aimait les patients, ne les tutoyait pas, les considérait comme des gens normaux, dit de François Tosquelles un ancien employé. Il écoutait les délirants, ce qui prenait du temps, mais fonctionnait autant que les comprimés. » Cette sorte de « club thérapeutique où les soignants et les soignés étaient comme associés » a marqué l’histoire de la psychiatrie française. Ouvrant la voie à une nouvelle posture, où l’aliéniste se considère l’égal du fou.