Sans notes
“Là-bas si j’y suis” a 30 ans : “Nous ne subissons pas la défiance envers les médias”

Disparue de l’antenne de France Inter en 2014, après vingt-cinq ans sur les ondes, “Là-bas si j’y suis” renaît en 2015, sous la forme d’un média Web d’information, toujours aussi engagé. Retour avec Daniel Mermet, son producteur et animateur, sur trois décennies de journalisme dissident.

Au garde à vous devant la porte du bureau de Daniel Mermet, une vigie de métal – qui a été confectionnée et offerte à la rédaction de Là-bas si j’y suis par un ouvrier de GM&S, l’équipementier automobile creusois, menacé de liquidation en 2017. Sur le terrain comme sur son site Internet, la-bas.org est fidèle à son slogan, « plus près des jetables que des notables ». L’esprit frondeur de l’émission de France Inter Là-bas si j’y suis (1989-2014) souffle sur le Net depuis le 21 janvier 2015 au travers de podcasts, d’articles, de vidéos, de billets d’humeur et toujours du répondeur, où s’expriment les abonnés. Retour sur trente ans de journalisme dissident avec le fondateur du site et ex-producteur d’Inter Daniel Mermet.

Qu’est-ce qui vous a décidé à rebondir sur Internet après votre longue collaboration avec France Inter ?
J’ai été viré sèchement, malgré d’excellentes audiences (cinq cent mille à sept cent mille auditeurs par jour) et trente-huit ans de CDD renouvelés, ce qui a valu une lourde condamnation aux prud’hommes à Radio France. Le lendemain de mon éviction, j’ai reçu un chèque de 100 euros d’un auditeur à mon ordre, avec un mot où était simplement écrit « Continue ! ». On ne pouvait pas en rester là et se laisser abattre par des gens aussi médiocres que ceux qui étaient à la tête de France Inter à cette époque... Voilà pourquoi on a continué, sans savoir trop d’ailleurs où on allait. Et on a bricolé, tâtonné, puis les abonnements ont très vite marché. On a compris qu’on était alors entrés dans une histoire tout à fait différente : on avait créé un média alors que nous ne savions faire que des émissions de radio.

“À l'époque, je répétais à l’antenne : ‘Arrêtez de nous écouter sinon on va se faire virer !’”

Le pari était risqué... Quel est le modèle économique de votre média ?
Actuellement, nous avons plus de vingt-quatre mille abonnés, trente mille vues en moyenne par jour, pas de publicité mais toujours des soutiens. On espère toucher un grand public, si possible populaire, pas seulement une bourgeoisie de gauche, mais ce n’est pas évident qu’ils aient 5 euros à balancer chaque mois. Aujourd’hui, la-bas.org rassemble vingt permanents, dont sept CDI. Et nous envisageons d’embaucher davantage de journalistes. J’ai toujours été confiant !

Beaucoup de fidèles de la première heure nous ont suivis car l’impact de l’émission de France Inter était énorme. On était déjà très soutenus, sauf par la direction de Radio France que notre dissidence dérangeait. Je me souviens même qu’un directeur – que je ne nommerai pas – disait : « Ah Là-bas si j’y suis... c’est un succès, hélas ! » À l'époque, je répétais à l’antenne : « Arrêtez de nous écouter sinon on va se faire virer ! Si Médiamétrie vous appelle, dites que vous ne nous connaissez pas. »

Désormais, je n’ai plus cette terreur annuelle de savoir si l’on va me flanquer à la porte à la rentrée, comme tous les producteurs qui voient la saison se terminer. Trente-huit ans d’angoisse ! À Radio France, il suffit de vous précariser pour que vous soyiez docile, et ce ne sont pas des bouffons sympas, des humoristes, qui vont changer le contexte. Radio France est un service public absolument génial qui, entre les mains d’une direction absolument médiocre, perd son essence et son originalité.

Le tweet de Taha Bouhafs – qui fait partie de la rédaction de Là-bas si j'y suis – sur la présence d’Emmanuel Macron au Théâtre des Bouffes du Nord relance la polémique du journalisme militant...
Nous ne sommes pas des militants, nous pratiquons un journalisme engagé, ce qui est un pléonasme d’ailleurs. La rédaction de Là-bas si j’y suis est très présente sur les manifestations, et donc aussi sur les réseaux sociaux, comme Taha Bouhafs, qui a 22 ans, et qui apprend le métier. Aujourd’hui, le moindre geste est filmé par une vingtaine de téléphones, ce qui peut être dangereux car ce flux d’informations est très émotionnel ; c’est la révolution numérique. Mais chez nous les faits sont sacrés, les commentaires, libres.

Et malgré une défiance grandissante envers les médias, nous ne la subissons pas ici car nous sommes de plain-pied avec le public. Notre façon de voir est claire. Pas la moindre manipulation. Nous gardons un contenu journalistique rigoureux. D’ailleurs, tous les journalistes qui ont bossé pour Là-bas si j’y suis s’en sont bien sortis – parmi eux, Yann Chouquet (directeur des programmes de France Inter), Sonia Kronlund (Les pieds sur terre, sur France Culture), Pascale Pascariello (Médiapart), le député François Ruffin… Nous sommes à la fois savants et populaires. Albert Camus disait que « la recherche de la vérité n’empêche pas l’engagement ».

Vous dites être de toutes les luttes sociales, mais pourquoi l’écologie et le féminisme semblent-ils absent de votre site ?
Oui, nous avons des carences... Nous ne sommes pas les plus malins sur ces thèmes forts. Mais la rédaction va s’agrandir, et nous allons pouvoir déléguer ces sujets incontournables à des journalistes prêts à s’en saisir sans faire du « déjà entendu ».

“Je suis ethniquement rouge ! C’est une façon de voir, de vivre, d'exister, de lutter.”

Pourquoi ne plus produire de reportages à l’étranger, comme pour France Inter ?
J’ai envie de repartir, mais il me faut retrouver la niaque. Ç’a été un bonheur fou à Radio France, tous ces voyages. On partait deux semaines avec Giv Anquetil, on était coupés du monde. De manière générale, on entend désormais peu de sujets de fond hors de l’Hexagone à la radio. La presse en France est en train de crever en se penchant sur son nombril, ou l’étoile perdue de Paul Bocuse… Heureusement, une radio comme RFI offre une perception du monde élargie.

Sur votre site, Sophie Simonot fait un pas de côté en surprenant les passants par ses questions. Parmi elles : « À qui aimeriez-vous casser la gueule ? ». Que lui répondriez-vous ?
Je ne sais pas… À trop de monde ! Mais je suis non violent. Je suis ethniquement rouge ! C’est une façon de voir, de vivre, d'exister, de lutter.


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