Portraits sensibles de héros ordinaires, sur France Inter |
Qu’ont en commun cette infirmière, cet éleveur de brebis, ce médiateur de banlieue ? Pour “Des vies françaises”, Charlotte Perry part chaque semaine à la rencontre de citoyens français engagés.
Huit minutes pour raconter une vie entière, c’est mince. Et frustrant. Surtout pour Charlotte Perry, habituée au format long de Comme un bruit qui court, le (regretté) magazine de reportage de France Inter qu’elle a coproduit avec Antoine Chao et Giv Anquetil pendant cinq ans. Pour Des vies françaises, elle a décidé de s’en tenir à « une histoire dans une vie ». Pendant huit minutes donc, des citoyens engagés se racontent, simplement. Ils livrent un témoignage essentiel et puissant, mis en valeur par une réalisation minimaliste. Dressant chaque samedi soir le portrait sensible de héros ordinaires, la journaliste réalise une admirable fresque de la société française.
« J’ai fait des études d’anthropologie, je me suis toujours intéressée au local », explique celle qui déniche le plus souvent ses sujets dans la presse régionale. Une semaine, elle part dans les Côtes-d’Armor à la rencontre de Pierre Guernion, un paysan à la retraite de 82 ans qui héberge chez lui des demandeurs d’asile, car, « en France, personne ne devrait dormir dehors ». La suivante, c’est Charles, éleveur de brebis en Bretagne, qui lui raconte comment il a décidé de « disparaître » pour échapper à la société de contrôle et à la normalisation de l’agriculture. Ou encore Yvonne, 95 ans, qui vit toujours dans sa ferme natale du pays d’Auge et déplore la disparition imminente du monde paysan. Ses interlocuteurs sont très différents, mais ont en commun une tendance à « se mettre en danger pour le bien commun ou par altruisme ». À l’instar d’Inès, infirmière de nuit aux urgences, qui, à court d’idées pour pousser le gouvernement à enrayer la crise de l’hôpital, est allée jusqu’à s’injecter de l’insuline sous les fenêtres du ministère de la Santé « pour montrer ce que c’est que d’avoir des gens qui crèvent sous ses yeux ».
Si Charlotte Perry dit aussi avoir envie de « personnages moins politiques au sens dur, mais plus poétiques, qui font rêver », elle se réjouit que son émission puisse avoir un impact concret sur les situations qu’elle dénonce. Ainsi, quelque temps après son passage sur Inter, Boubacar, un médiateur de Gennevilliers qui avait été brutalisé par la BAC, a été recontacté par la police, alors qu’il était sans nouvelles depuis six mois. On aurait tort de sous-estimer le pouvoir des bonnes ondes.