Netflix, Instagram... La Comédie-Française modernise Molière |
Conjuguer le verbe de Molière au langage d’aujourd’hui ? Sur RFI, les comédiens du Français lisent trois pièces du dramaturge, “L’École des femmes”, “Le Misanthrope” et “Les Fourberies de Scapin”, dans une version 2020. Vivifiant !
Sous le lustre colossal qui pèse sur la salle Mounet-Sully, à la Comédie-Française, une dizaine de comédiens lisent Molière assis autour d’une table nappée de rouge. Trois pièces : L’École des femmes, Le Misanthrope et Les Fourberies de Scapin. Les vers s’enchaînent, moqueurs ou pensifs, sous la direction de Laurent Muhleisen. Mais quelque chose cloche. Inattendus, anachroniques, des mots viennent troubler le classicisme de la scène : « Netflix », « Instagram », « followers »… Molière oui, mais à la mode de 2020 ! Les textes ont été repensés (et raccourcis) par trois autrices francophones : Emmelyne Octavie, Dorothée Zumstein et Isabelle Hubert. Leurs versions contemporaines sont nées lors d’une résidence d’écriture organisée l’hiver dernier dans un château polonais par le Centre international de théâtre francophone Drameducation, dirigé par Jan Nowak et Iris Munos. Dix pièces de Poquelin sont ainsi nées une seconde fois.
Une mise en abyme malicieuse du “Misanthrope”
« L’idée a fait débat, certains comédiens pensaient que Netflix n’avait rien à faire dans une pièce de Molière. Mais ce type d’exercice recrée du suspense dans les textes, au service de la transmission de la langue française ! » explique Pascal Paradou, qui a œuvré pour qu’au moins trois des pièces soient lues dans son émission De vive(s) voix. Quatre autres suivront.
Fin janvier, Le Procès de Scapin imaginé par Isabelle Hubert, et commenté par des éditorialistes emblématiques du XXIe siècle, nous a enchantés par son impertinence. Cette semaine, Dorothée Zumstein propose sa version du Misanthrope, ou le Monde entier est un théâtre (et tous les hommes et toutes les femmes ne sont que des acteurs). Malicieuse, cette mise en abyme nous plonge dans la préparation d’une représentation contemporaine de la pièce. Qui jouera Alceste ? Ce comédien renfrogné bien sûr, qui hésite à reprendre des études médiévales ou à monter un élevage de borders collies. Peu à peu, les frontières entre le tempérament des personnages et celui des comédiens — « ces drôles de bestiaux » — se brouillent, tandis que chacun révèle son rapport personnel au « tourbillon de la vie ». Aux mondanités du théâtre parisien aussi, orchestrées par un critique star hilarant incarné par Pierre Louis-Calixte. Au milieu de leurs répétitions, un fantôme mystérieux se promène et redécouvre comme nous ce qu’il croyait connaître par cœur. Qui est-il ? Indice : sur scène, il ose porter du vert…