Huit adaptations de bandes dessinées en podcasts |
De “Tintin” au “Chat du rabbin” en passant par les “Frustrés” de Brétécher, découvrez les adaptations sonores, souvent très réussies, de huit bandes dessinées.
De la bande dessinée à la radio ? C’est possible, et même souvent réussi. Des grands classiques du franco-belge à des albums plus contemporains, petit tour d’horizon d’adaptations audio à savourer.
“Tintin”
France Culture remet en ligne quatre aventures de Tintin, interprétées par la troupe de la Comédie-Française. Pour revivre les péripéties des Cigares du pharaon, du Lotus bleu, des Sept Boules de cristal et du Temple du soleil, à chaque fois adaptés en cinq épisodes. Avec Noam Morgensztern, candide à souhait, dans le rôle du reporter à houppette, et le brillant Benjamin Abitan à la réalisation.
“Le Chat du rabbin”
Prenez un matou, faites-lui avaler un perroquet, et écoutez-le parler : la saga philosophico-humoristique de Joann Sfar est mise en ondes par le réalisateur Cédric Aussir. Jonathan Cohen incarne la bestiole qui veut étudier les textes sacrés et s’amourache de la fille de son maître, la sensuelle Zlabya ; Rufus joue le rôle du rabbin. Un feuilleton en dix épisodes, auxquels ont participé une centaine de comédiens.
“Gemma Bovery”
C’est une histoire d’amour ratée, jusqu’au tragique. C’est aussi l’histoire du poids du regard des autres, de l’envie de sortir de sa condition, de s’autoriser à rêver à autre chose. Madame Bovary de Gustave Flaubert a infusé dans la culture occidentale depuis plus de cent soixante ans, jusqu’à titiller le pinceau d’une dessinatrice anglaise inspirée, Posy Simmonds, qui en produisit une version moderne en 1999 sous la forme d’un subtil et novateur roman graphique (paru chez Denoël) – lui-même adapté au cinéma par Anne Fontaine en 2014.
France Culture s’en empare pour un feuilleton en dix épisodes. La voix off et les dialogues joliment troussés par Lili Sztajn composent un drame très littéraire, belle relecture moderne de l’œuvre de Flaubert. Et les comédiens, impeccables, ne ménagent pas leur accent british ni leurs effets pour donner corps à ce texte ironique et enlevé.
“Astérix”
Il se passe quelque chose de bizarre dans le village d’Astérix : le chef Abraracourcix sent son pouvoir menacé, sa femme Bonemine se trouve reléguée au dernier rang de la file d’attente du poissonnier Ordralfabétix, et le forgeron Cétautomatix est persuadé que les Romains ont acquis la potion magique… C’est que le sournois Détritus est passé par là ; missionné par César, il fait souffler par ses paroles fielleuses le vent de la discorde chez les Gaulois. Pour France Culture, Laurent Stocker, de la Comédie-Française, campe Astérix, tandis que Guillaume Briat donne voix à Obélix. Une belle interprétation musicale de l’album de René Goscinny et Albert Uderzo, orchestrée par le réalisateur Cédric Aussir.
“Les Frustrés”
En 1976, Roland Barthes la sacrait « meilleure sociologue de l'année ». Claire Bretécher (1940-2020) dessinait alors magistralement, dans les pages du Nouvel Obervateur, ses Frustrés. À savoir les bobos des années 70, insupportables de vanité et de condescendance, persuadés d'être plus généreux et éclairés que leurs voisins. Pour France Culture, et avec la réalisatrice Christine Bernard-Sugy, Christèle Wurmser adapte la série en feuilleton radiophonique. Si les dialogues, réalistes à souhait, sonnent juste, il manque toutefois à cette transposition un brin de cruauté. Que les dessins lâchés et piquants de Claire Bretécher parvenaient parfaitement distiller.
“Paul dans le Nord”
Depuis 1999, l’auteur de BD québécois Michel Rabagliati nous enchante avec sa série autobiographique Paul. Radio Canada choisit ici d’adapter, avec vingt-huit comédiens et l’aide d’archives, l’épisode Paul à Québec (paru en 2015). Soit une tranche de vie du narrateur au milieu des années 1970, un moment d’adolescence touchant.
“La Tour”
Des éboulis sous les pieds, un souffle haletant et le cri funèbre des corbeaux. Puis une guitare électrique, des ondes Martenot, un orchestre. Bienvenue dans La Tour (troisième album de la série Les Cités obscures), ou plutôt dans la version « concert fiction » de la bande dessinée de François Schuiten et Benoît Peeters, diffusée par France Culture. Où l’on suit l’ouvrier Giovanni Battista, qui cherche à comprendre comment fonctionne cet édifice à la construction complexe et interminable. « Bâtir la tour était aussi absurde que vouloir toucher Dieu de ses doigts », susurre-t-on au cours de sa quête aussi philosophique qu’onirique.
La puissance des images originelles est idéalement transformée par une expérience sonore réussie, entre bruitages sobres, jeu prenant des comédiens et musique envoûtante signée Bruno Letort, pour une immersion vertigineuse. À écouter au casque, pour mieux sentir le vent entre les briques de la tour.
“Zaï zaï zaï zaï”
Mais que fait la police ? Fabrice, auteur de BD, est un dangereux individu en cavale. Ce qui lui est reproché ? Au supermarché, il n’a pas pu dégainer sa carte de fidélité au magasin, « restée dans [s]on autre pantalon »… L’album de Fabcaro Zaï zaï zaï zaï (éd. 6 Pieds sous terre, bientôt adapté au théâtre et au cinéma) a été mis en ondes pour Mégacombi, sur Radio Canut. Réalisée collectivement, la fiction radio est soignée et ultra réjouissante. On y distingue les facettes d’une société malade de consommation et d’une médiatisation tordue, pointées avec un humour corrosif. Sont notamment épinglés les poncifs politiques et journalistiques — « Vous n’avez pas le monopole du ton hautain et supérieur », lance un éditorialiste, tandis qu’un animateur intervient : « S’il vous plaît, recentrons le débat sur le phrasé saccadé que j’adopte pour parler comme mes confrères. » Dans les oreilles aussi bien que sur papier, ces péripéties absurdes mais puissamment actuelles font mouche.