Cinq podcasts pour réviser chez soi les classiques du théâtre |
La fermeture des salles de spectacle et des théâtres pour cause de confinement n’est pas une excuse pour oublier ses classiques. En voici cinq à écouter : le théâtre comme si vous y étiez !
Le mœlleux des fauteuils rouges, l’effervescence du public et les trois coups qui marquent le début de la pièce vous manquent ? Vous être féru(e) de théâtre, frustré(e) de ne pas pouvoir assister à une représentation ? Plutôt que de lire des pièces qui sommeillent dans votre bibliothèque depuis bien longtemps, pourquoi ne pas profiter du confinement pour réviser vos classiques et les découvrir autrement ? Télérama a sélectionné cinq pièces de théâtre à écouter, pour faire soi-même sa mise en scène… dans sa tête.
“Pelléas et Melisande”, de Maurice Maeterlinck
Lorsqu’on écoute l’adaptation radiophonique de Pelléas et Mélisande, de Maurice Maeterlinck, drame sentimental mis en scène pour la première fois en 1893, on est d’abord frappé par la sublime partition de Gabriel Fauré, interprétée par l’Orchestre national de France. On se passionne ensuite pour ce triangle amoureux intemporel proposé par Denis Podalydès, de la Comédie Française, et le chef d’orchestre Louis Langrée, délicieusement mis en ondes par la réalisatrice Laure Egoroff.
Des trois personnages, le prince Golaud, son demi-frère Pelléas et sa jeune et mystérieuse épouse Mélisande, on ne sait pas grand-chose : ni à quelle époque ils vivent (bien que leur vie dans un château suggère des temps médiévaux), ni leurs histoires respectives. On sait seulement que la mélancolique Mélisande tombe amoureuse du frère de son vieux mari, le jeune et séduisant Pelléas. Amour, dépression, jalousie, mensonges, rivalité meurtrière… Ce qui aurait pu être un triangle amoureux de théâtre de boulevard tourne ici au drame, voire à la tragédie, au verbe d’un autre temps mais à l’action facilement compréhensible, même pour des adolescents. À écouter en famille, donc.
“Phèdre”, de Jean Racine
Est-il encore nécessaire de présenter Phèdre, la tragédie en cinq actes de Jean Racine (1639-1699) ? La sublime pièce en alexandrins, pilier du patrimoine théâtral français, met en scène l’amour incestueux que ressent Phèdre pour son beau-fils Hippolyte, fils de Thésée, le mari de Phèdre. Tragédie à la fois antique et classique, Phèdre raconte deux passions amoureuses, punies parce que interdites.
Sous la direction d’Éric Génovèse, les comédiens de la Comédie Française interprètent avec vigueur et justesse la pièce. On retient surtout le bel aveu d’amour de Phèdre, qu’on ne se lasse ni de lire, ni d’écouter : « Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue; / Un trouble s'éleva dans mon âme éperdue; / Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler; / Je sentis tout mon corps et transir et brûler. »
“Lucrèce Borgia”, de Victor Hugo
Considérée par George Sand comme l’œuvre « la plus puissante » de Victor Hugo (1802-1885), Lucrèce Borgia n’a rien perdu de sa superbe près de deux siècles après sa première représentation au Théâtre de la Porte-Saint-Martin, à Paris. À la Comédie Française, pour mettre en scène ce drame incestueux (encore un) entre Lucrèce Borgia et son fils Gennaro, le metteur en scène Denis Podalydès a choisi de faire incarner l’héroïne cruelle par… un homme !
C’est Guillaume Gallienne qui s’y colle, non sans une certaine maladresse parfois, ce qui n’empêche pas l’auditeur de se laisser emporter par cette fresque historique, qui nous plonge dans les intrigues la famille Borgia. On écoute avec attention la scène qui grince sous le poids des acteurs, les cris et les répliques lancés de part et d’autre. De toutes les pièces de cette sélection, Lucrèce Borgia est celle dont l’ambiance sonore vous plongera le plus au sein d’une salle de théâtre.
“Pour un oui, pour un non”, de Nathalie Sarraute
Deux amis de longue date discutent lorsqu’un des deux reproche à l’autre d’avoir répondu d’un ton condescendant quand il lui racontait une réussite professionnelle. Une pause un peu trop longue entre deux mots aura suffi à faire voler en éclat une longue amitié, moins solide qu’il n’y paraît. Dans Pour un oui, pour un non, pièce qui permit à Nathalie Sarraute (1900-1999) d’être nommée en 1987 pour le Molière de l’auteur francophone vivant, le langage est au cœur de l’action.
Tout au long des deux heures que dure cette adaptation radiophonique de Jacques Lassalle et Étienne Vallès, on se laisse emporter dans l’autopsie des mots et des sentiments qu’ils créent aux côtés de ces deux hommes que tout oppose et qui se dominent à tour de rôle. Cette joute verbale qui frôle l’absurde (on pense parfois à Beckett) passionne par sa singularité et nous permet de (re)découvrir l’œuvre théâtrale de Sarraute, plus connue pour son implication dans le Nouveau Roman.
“L’Autre Monde”, pièce adaptée du roman de Savinien de Cyrano de Bergerac
Savinien de Cyrano de Bergerac (1619-1655) est entré dans l’histoire grâce à la pièce d’Edmond Rostand. L’auteur libertin qui vécut trois siècles plus tôt sous le nom de Savinien de Cyrano n’avait pas grand-chose à voir avec le gascon au nez proéminent qui sera ensuite mis en scène. Son œuvre littéraire n’a cependant rien à envier aux actes héroïques du soldat de théâtre puisqu’il écrivit ce qui est peut-être la première œuvre de science-fiction de la littérature française, Les États et empires de la Lune et du Soleil. Le roman décrit un voyage dans la Lune et la rencontre du héros avec un peuple bien étrange : les jeunes règnent sur les vieux, les femmes sur le sexe, la pauvreté est un atout et la religion est considérée comme une faiblesse d’esprit. Ce livre transgressif et moderne a été adapté par Pierre Jourde pour France Culture sous le titre L’Autre Monde. Une heure de comique au service de la réflexion sur le monde et nos certitudes. Délicieux !