Sur Vivre FM, radio du handicap et des différences, une quotidienne spéciale confinement qui change |
Depuis le début du confinement, la radio de l’Association nationale pour la prévention des handicaps et pour l’information (Anphi) propose une quotidienne qui vaut le détour en donnant la parole aux plus précaires. Venez découvrir la diversité des invités programmés.
Coronavirus, pandémie, Covid-19, gestes barrières, confinement, déconfinement, reconfinement… Après plus de sept semaines enfermé, peut-être avez-vous comme l’impression de tourner en rond en termes d’information. Difficile de supporter l’éternel recommencement des suppositions des commentateurs, experts, politiques et éditorialistes sur la situation actuelle et à venir. Si la lassitude médiatique vous étreint, vous fuyez sans doute les flashs info et les plateaux télé, et peut-être boudez-vous consciencieusement les allocutions du gouvernement et celles du président.
Certaines radios présentent tout de même des émissions thématiques plus approfondies, osant – ô joie – le pas de côté qui manquait à nos oreilles prises dans le flot fatigant des « points info » quotidiens – certes indispensables – distillés dans les tranches d’information. Le plaisir d’entendre ce type de programme est d’autant plus fort lorsque l’effort est fait par une radio associative.
Depuis le début du confinement, Vivre FM réalise une émission quotidienne d’un peu plus d’une heure pendant laquelle invités institutionnels, acteurs de terrain et témoins citoyens interviennent en direct autour d’une thématique liée au confinement. La particularité de la bien-nommée Continuer à vivre tient à la ligne éditoriale de cette station créée il y a quinze ans dans la salle à manger d’un vieil appartement du 8e arrondissement parisien : « Dès le début, la fondatrice Anne Voileau – qui est décédée mi-février – a dédié cette station aux personnes porteuses d’un handicap. Ces dernières années, nous avons élargi notre ligne à toutes les différences (handicap, égalité hommes-femmes, droits des personnes LGBT…). Actuellement 50 % de notre équipe est porteuse d’un handicap, pour la plupart psychique », précise Frédéric Cloteaux, directeur depuis 2016 de l’Association nationale pour la prévention des handicaps et pour l’information (ANPHI), qui chapeaute la radio.
Installé dans un Ehpad du 18e arrondissement de Paris
C’est lui qui, de son domicile, anime l’émission, chaque matin à 11h, accompagné à distance d’un autre animateur et d’un réalisateur. « Ce dernier a la chance d’habiter à cinq minutes à pied de notre nouveau local, dans un Ehpad du 18e arrondissement, et dispose d’une entrée directe dans le studio pour ne pas risquer de croiser soignants et résidents », précise le directeur-animateur.
Chaque jour est donc conscré à un sujet en particulier, afin de prendre le temps d’aborder la situation des confinés les plus précaires : les demandeurs d’asile par exemple, les aidants, les résidents et les personnels des Ehpad, les personnes lourdement handicapées ou encore les mineurs en danger et les sans-abri. La qualité sonore est loin d’être parfaite, mais le fond, enrichi par le choix du temps long, est souvent au rendez-vous. La diversité des invités programmés, qui va du citoyen lambda au secrétaire d’État, impressionne.
Dans l’émission sur les réfugiés, on entend ainsi le directeur de la halte humanitaire de la porte de la Chapelle détailler les nouveaux squats formés ici et là après le démantèlement des camps, puis l’adjointe à la mairie de Paris, Dominique Versini, parler des gymnases réquisitionnés. Une directrice de centre d’hébergement provisoire explique ensuite l’organisation compliquée lorsqu’on loge plus de 70 personnes avec des sanitaires collectifs, et les inquiétudes des demandeurs d’asile souvent fragilisés par des traumas liés à leur parcours de vie.
Lettres d’un grand-père, prisonnier en Allemagne, à sa femme
Suivront les expériences d’acteurs associatifs engagés dans des maraudes. Mercredi 29 avril, l’émission sur le confinement en banlieue a mêlé les témoignages du maire de Clichy-sous-Bois à ceux d’habitants. Quant à la quotidienne sur l’amour, elle réservait l’un des plus beaux moments d’émotion radiophonique de ce confinement : la lecture, par l’un des animateurs, d’une des quelque 500 lettres écrites par son grand-père prisonnier en Allemagne à sa femme. Souvenir des séparations de la Seconde Guerre mondiale, où la distance et le manque ne se mesuraient pas en semaines, mais en années.
« Maintenir une émission quotidienne, c’est aussi permettre à nos salariés et bénévoles handicapés psychiques de continuer à se sentir utiles, souligne Frédéric Cloteaux. Au début, pour eux, ça a été la panique totale. Se retrouver enfermé, sans travailler, sans lien social, c’est un coup porté à l’image de soi. On veille à impliquer chacun et chacune, que tous puissent apporter leur pierre à l’édifice s’ils le souhaitent. »
En contact avec de nombreux Français porteurs d’un handicap, l’animateur constate à quel point le confinement est compliqué pour eux et leur famille. « Certains se sont retrouvés enfermés du jour au lendemain dans leur centre. D’autres sont à domicile avec une famille qui doit parfois gérer un handicap lourd. Les proches sont en détresse, car la continuité des soins et de l’aide à domicile a mis du temps à se mettre en place. »
Anticiper les questions à la machine à café
L’ANPHI a d’ailleurs dû suspendre les formations de son centre de remobilisation professionnelle à destination des personnes handicapées psychiques, par lequel sont passés plusieurs des salariés de la station. « Grâce à la radio, à la vidéo et au théâtre, les participants se préparent pendant deux mois, et gratuitement, à se réinsérer professionnellement. Comment, par exemple, se présenter lors d’un entretien d’embauche, et anticiper les questions des collègues à la machine à café ? »
Pour l’heure, Vivre FM a suspendu toutes ses émissions habituelles pour se concentrer sur sa quotidienne spéciale, qui comptabilise selon la station environ 600 000 écoutes digitales chaque jour. « On nous écoute plus que d’habitude ! » se réjouit Frédéric Cloteaux, qui compte sur ses bénévoles déjà fourmillants d’idées de nouveaux programmes pour la rentrée.