“Viper Dream”, sur France Culture : un thriller haletant sur fond de jazz |
Années 1960. Le jeune Viper fournit en marijuana le milieu artistique new-yorkais… Adapté du roman de Jake Lamar, ce passionnant polar en dix épisodes rend hommage à la musique noire, de Louis Armstrong à Miles Davis.
« Dis-moi Viper, quels sont tes trois vœux ? » Nous sommes en novembre 1961, dans la villa de la baronne Pannonica de Koenigswarter. Vue imprenable sur Manhattan. Les invités — musiciens de jazz, pour la plupart — bavardent au milieu d’une bonne dizaine de chats, petite lubie de la maîtresse des lieux. Depuis quelque temps, elle demande à ses hôtes (Charlie Parker, Dizzy Gillespie, Thelonious Monk…) de consigner dans un carnet leurs trois vœux les plus chers, pour la postérité.
« Alors Viper, que répondrais-tu ? » Viper, ou Clyde Morton de son véritable nom, n’est pas musicien. Arrivé à New York à 19 ans, il est devenu en quelques années l’un des dealers de marijuana les plus influents du milieu. Mais ce soir de novembre 1961, tous murmurent que Viper n’est pas comme à son habitude. Ses yeux brillent. En réalité, la police va débarquer d’une minute à l’autre pour le crime qu’il a commis deux heures auparavant. Hagard, l’homme prend le carnet que lui tend la baronne et, au lieu de fuir, laisse son esprit s’évader, pour replonger dans vingt-cinq ans de souvenirs…
La musique a servi de script à l’auteur, Jake Lamar
Viper’s Dream (1), feuilleton en dix épisodes diffusé sur France Culture, a quelque chose du roman d’apprentissage qui tourne mal : un jeune garçon épris de rêves et de musique se change, au contact de Harlem, en véritable gangster. « Cela ressemble à un polar épique façon Scorsese, c’est très cinématographique », explique la réalisatrice Laurence Courtois. Viper n’est pas un truand comme les autres : traumatisé par les ravages de l’héroïne dans le monde artistique new-yorkais, il refusera toute sa vie d’en fournir aux musiciens, limitant son business illégal à la vente de marijuana. Mais la série est surtout, pour son auteur, Jake Lamar, une ode au jazz et à son évolution de 1930 à 1960, « des années clés : de Louis Armstrong à Miles Davis », en passant par le légendaire Charlie Parker. C’est la musique qui a servi de script à l’ancien journaliste de Time Magazine, arrivé en France en 1993 sur les traces des écrivains Richard Wright et James Baldwin.
Quatre-vingt-cinq comédiens, cent cinquante scènes et un quatuor de jazz réuni pour l’occasion : Viper’s Dream est une grosse production. « Pour une fois, on raconte une histoire qui se passe dans le milieu de la musique noire, et avec des comédiens noirs, continue Laurence Courtois. On parle beaucoup de leur invisibilité, en ce moment. Cela me tenait à cœur de les défendre. C’est aussi une question politique. »
(1) L’œuvre paraîtra en 2020 sous la forme d’un roman, aux éditions Rivages noir.