France Télévisions et Radio France : ce que veut vraiment le public |
A travers deux consultations, nommées “Ma télé demain” et “Ma radio demain”, les deux groupes audiovisuels publics ont obtenu des pistes pour coller au plus près des attentes de leurs fidèles dans le futur. Et c’est en matière d’info que le public se veut le plus exigeant.
« Imaginez que, lors d’un trajet en train, vous êtes assis(e) à côté de la présidente de France Télévisions, vous avez du temps pour lui dire en toute franchise ce qu’elle devrait mettre en place pour que vous regardiez davantage ses programmes : quels nouveaux thèmes, émissions, animateurs, fictions, etc. ? Que proposez-vous ? » Ce n’est pas une blague : c’est bien comme ça que que le service public a tenté d’attirer le chaland pour qu’il lui confie ses vœux pour « la télé de demain » sur un site dédié du 8 octobre au 4 novembre dernier. Il était aussi possible de s’exprimer sur les programmes de Radio France (voir ci-dessous). Si Emmanuel Macron a son Grand Débat national, France Télévisions a donc eu sa grande consultation citoyenne. Méthode gagnante, visiblement, puisque pas moins de 127 109 participants ont pris le train, pardon, déposé une contribution. Les voyageurs identifiés par la télé publique sont plutôt détenteurs de la carte « vermeil » : la moitié d’entre eux ou presque (44 %) ont plus de 60 ans. Les cartes « jeune » (16-34 ans) atteignent 18 % des « répondants ». 19 % pour les 35-49 ans, autant que 50-59 ans. Ce qui correspond à peu de choses près au public qui regarde aujourd’hui les chaînes de France Télévisions.
Et qu’attend en priorité tout ce petit monde de la télé publique ? 68 % veulent une information fiable et de qualité (l’inverse serait inquiétant), 43 % un large éventail de programmes culturels (classique) et 38 % soutenir la création française (c’est bien). « On ne pensait pas que l’information ressortirait aussi fortement des attentes, relève Florent Dumont, le directeur de la stratégie des publics à France TV. Les téléspectateurs attendent plus particulièrement qu’on aide à la lutte contre les fake news. » Résultat : un module spécialement consacré au sujet enrichit le 20 heures d’Anne-Sophie Lapix depuis le 4 février, nous glisse-t-il. Et un nouveau magazine sur la chaîne d’info en continu France Info. Les « répondants » affirment aussi être très attachés à l’investigation sur le service public. Les Cash investigation, Envoyé spécial et Pièces à conviction ont donc de beaux jours devant eux, n’est-ce pas ?
Grand classique de ce type d’étude : davantage de proximité et de diversité en tout genre (générations, origines, classes sociales, opinions, incarnations, territoires, etc.). Un type de critiques qui figurait déjà en bonne place au sein du livre blanc publié en 2017 par France Télévisions. « Le mouvement des Gilets jaunes a montré qu’il y avait une crise de la représentation en France, c’est logique que cela ressorte aussi dans notre étude », tente Florent Dumont. Last but not least, le public veut aussi plus d’audace et d’innovation – là aussi l’inverse serait inquiétant. Surprise, toutefois : les plus jeunes déplorent le manque de séries de science-fiction ou fantastiques. D’autres réclament plus de comédies ou de films sociétaux.
Question à 139 euros, soit le montant actuel de la contribution à l’audiovisuel : que va concrètement faire Delphine Ernotte de toutes les remarques de ses compagnons de voyage ? « France Télévisions reste bien sûr un média de l’offre, mais nous voulons écouter nos publics et tenir compte de leurs avis », répond doctement Florent Dumont. Espérons qu’ils n’ont pas été trop nombreux à demander le retour de Cyril Hanouna ou l’arrivée d’émissions type Les Ch’tis à Mykonos (ou ailleurs, on n’est pas sectaire). Au train où vont les choses…
Les participants pouvaient choisir de voyager aussi en compagnie de Sibyle Veil, pdg de Radio France, et de lui faire leurs doléances. Mais avant tout, un bouquet d’éloges : ils louent « les plus belles qualités » des stations du groupe, à savoir « la grande variété des programmes », « le haut niveau des contenus », « la fiabilité de l’information », « la qualité de la programmation musicale ». Pour le reste, comme dans les réponses concernant France Télévisions, pas de gros scoop. Les sondés attendent des radios publiques une information fiable et de qualité (71 %), un large éventail de programmes culturels (38 %) ou encore une représentation de la société dans sa diversité (35 %). Pour la moitié d’entre eux, il faudrait renforcer l’investigation, les grandes enquêtes, le décodage de l’actualité et la compréhension des infos internationales. De quoi rêvent-ils, encore ? De plus de sessions live (83 %), de fact checking (85 %), d’un agenda des événements culturels dans toute la France (44 %), ou encore d’une bibliothèque de l’ensemble des podcasts culturels des stations (54%).
Maintenir et renforcer le cap à Radio France
Et maintenant ? A Radio France, on se réjouit d’abord. « Ces résultats témoignent d’un fort attachement à nos radios, note Serge Schick, directeur délégué au marketing stratégique et au développement. Plus de 10 % des verbatims spontanés nous disent “continuez” ou “j’adore”. 83 % des sondés estiment que nos antennes sont très différentes des stations commerciales. Ce qui est très fort, surtout dans le contexte actuel de défiance envers les médias. » Pour garder le contact avec ces précieux auditeurs, le groupe public prévoit d’organiser « des rencontres dans les régions, notamment sur le thème de la fabrique de l’information ». Et sur les ondes ? « Nous allons réfléchir à de nouveaux formats d’investigation, assure Serge Schick. Les gens nous réclament aussi la mise en avant de nouveaux talents, ce que nous faisons déjà. Il faudra donc rendre plus perceptibles nos actions. » Et aller, espérons-le, au-delà d’un effet « opération de communication ».