En 1961, la rue Staline d’Ivry devient la rue Lénine. Mais qu’est-ce qui préside au choix des noms des voies ? Un regard éclairant sur l’histoire des villes.

Tewfik Hakem a terminé la première saison de L’esprit des lieux (France Culture) en invitant les auditeurs à imaginer à quoi les villes de 2050 pourraient bien ressembler. Une belle transition avec la grille d’été où son émission devient temporairement L’esprit des rues — car on ne construit pas la ville du futur sans en connaître le passé.

Comme on ouvre un livre d’histoire, le producteur arpente divers quartiers de l’Hexagone, à Lille, Marseille, Toulon… Dans cette émission, la banlieue rouge de Paris Ivry-sur-Seine et sa rue Lénine, baptisée rue Staline de 1949 jusqu’en 1961. « On fait alors le deuil de la dictature de Staline et de ses crimes », raconte l’historien Emmanuel Bellanger en traversant cette ville industrielle des faubourgs qui se distingue du Paris haussmannien par son caractère bien trempé. « Les ouvriers exploités ont pris leur revanche sur le patronat dans les années 1920 en se donnant pour maires des élus communistes. »

Les traces de deux cultures politiques, issues du communisme radical et de l’Église catholique sociale, demeurent imprimées dans le paysage urbain. Questionnant les riverains, Tewfik Hakem porte un regard tendre sur ces communes qui s’opposent à la standardisation des grandes agglomérations : « La rue Lénine doit garder sa personnalité pour ne pas devenir une rue du centre de Paris. Et si j’observe la gentrification galopante, ce n’est pas pour la stigmatiser mais pour comprendre comment aujourd’hui partager l’espace public. »

À écouter

q L’esprit des rues, jusqu’au samedi 27 août, à 12h sur France Culture. Réalisation : Vincent Abouchar. 29 mn.