Lutte contre les violences sexuelles : les médias signent une charte |
Des dizaines de dirigeantes et de dirigeants du monde des médias se sont réunis rue de Valois pour signer une charte visant à prévenir et contrer les actes de sexisme et de harcélement. Une initiative de l’association Pour les femmes dans les médias.
Sept ans après sa naissance, l’association Pour les femmes dans les médias (PFDM) vient-elle de remporter sa première victoire ? Au vu de l’affluence des grands jours qui régnait ce matin au ministère de la Culture, la réponse ne fait pas de doute. On peut même parler d’heure de gloire pour ces femmes d’influence… avant, n’en doutons pas, de pouvoir un jour crier victoire pour les femmes dans les medias.
A l’initiative de cette communauté de décideuses, les principales entreprises de l’audiovisuel ont signé une charte rue de Valois afin de lutter contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes en leur sein. Sous le regard de Franck Riester, hôte des lieux, et avec l’approbation de Marlène Schiappa, secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, patronnes et patrons de télés et de radios (Delphine Ernotte pour France Télévisions, Gilles Pelisson pour TF1, Sibyle Veil pour Radio France…) et de sociétés de production (Pierre-Antoine Capton pour Mediawan, Bibiane Godfroid pour Newen), mais aussi une agence de publicité (Havas Worlwide, dont la présidente exécutive Mercedes Erra est l’une des fondatrices de l’association) se sont engagés à respecter un code de bonne conduite sur le sujet : informer ses collaborateurs, mêmes temporaires, sur les violences sexuelles et à quelles sanctions elles exposent; « mettre en place un dispositif d’écoute et d’aide aux victimes ou aux témoins d’un acte répréhensible »; faire connaître ses actions en la matière; prendre conscience de sa responsabilité légale dans la sécurité et la santé de ses collaborateurs.
Comme les promesses, cette charte — ni contraignante, ni soumise à évaluations futures — n’engage que ceux qui y croient. « On est une association de femmes féministes qui ont de l’esprit et de l’humour, nous expliquait hier Françoise Laborde, fondatrice de PFDM. Dans la foulée de l’affaire Weinstein et du mouvement #Metoo, de la polémique sur la tribune « sur la liberté d’importuner », nous nous sommes dit qu’il fallait agir sur la prévention de ces agissements — plutôt que sur la sanction ». Dans le contexte post #metoo et #balancetonporc, quel dirigeant de grand média aurait pu refuser d’apposer son paraphe sur un texte aussi consensuel validé, par ailleurs, par l’ensemble de ses concurrents ? « Qu’il y ait de l’opportunisme chez certains, évidemment !, reconnait l’ancienne journaliste de France 2, pas dupe. Mais je préfère retenir la bonne volonté des patrons qui, aujourd’hui, s’engagent. » Chacun leur tour ce matin, les signataires se sont donc félicité de leur attitude vertueuse sur le sujet, de leur souci du respect de la parité ou de l’égalité entre les hommes et les femmes dans les entreprises... Et tant pis si, la semaine dernière encore, le CSA et l’INA pointaient les piètres performances de ces dernières en matière de représentation des femmes dans les médias.
Jusqu’ici, PFDM se contentait d’actions de sensibilisation ponctuelles et de remise de trophées à des femmes de médias remarquables. « Avec quelques pionnières (les productrices Simone Halberstadt Harari, Bibiane Godfroid, ou encore Laurence Bachman, la PDG de France Médias Monde Marie-Christine Saragosse, la conseillère au CSA Carole Bienaimé-Besse, etc.), je voulais créer un lieu bienveillant où les femmes de médias puissent échanger, se soutenir, s’entraider, et aussi mettre en avant le travail de certaines et encourager les plus jeunes », rappelait l’ancienne membre du CSA ce week-end dans une tribune publiée sur le site du Journal du dimanche. Un réseau d’influence féminin, en quelque sorte, comme il en existe peu — contrairement aux « men’s clubs ». Ce matin, cinq femmes ont d’ailleurs été récompensées « pour leur parcours personnel et leur contribution à la cause des femmes » : la cinéaste Liza Azuelos, la directrice de France Inter Laurence Bloch, la présidente de l’académie des Emmy Awards Camille Bidermann Roizen, la documentariste Claire Lajeunie et la fondatrice du site Laruchemedia.fr, Yasmina Jaafar ; dans un certain brouhaha, et devant une salle qui se vidait lentement... A la fin des discours, il nous a d’ailleurs semblé qu’il restait essentiellement des femmes. « Les hommes ne sont pas encore très à l’aise sur le sujet », soufflait, un rien moqueuse, une invitée. Le ministre a d’ores et déjà annoncé une deuxième cérémonie pour septembre, autour des futurs signataires de la presse écrite et des acteurs du numérique dont il ne doute pas qu’ils voudront bientôt signer, à leur tour, la “charte”.