“Quand vient le fascisme en Europe” : une plongée historique glaçante, sur France Culture |
Espagne, Allemagne, Italie, Grèce… La série documentaire brosse en quatre épisodes le tableau détaillé et ausculte les rouages effroyables du fascisme en Europe à travers le point de vue d’historiens, des témoignages ou des archives.
« Athènes paraît tout à fait normale, à première vue », constate un reporter le 21 avril 1967. Pourtant, au petit matin, un coup d’État a tout changé pour les Grecs. Mais voit-on la dictature arriver, quand elle prend ses quartiers ? Au micro de Kristel Le Pollotec, une ancienne militante réprimée se rappelle : « Avant, on était souvent frappés par la police, on n’avait pas peur. Mais la dictature, c’est autre chose : c’est le silence. On ne pouvait pas l’imaginer. » Dans cette série documentaire très (trop) dense, France Culture dissèque les fascismes européens. De l’Italie mussolinienne à la dictature des colonels grecs, en passant par la Hongrie de l’amiral Horthy, l’Espagne de Franco et le Portugal de Salazar, les idées fascistes ont trouvé en Europe un terreau fertile. Mais comment prennent-elles racine ? Comment le monstre devient-il monstre ?
Pour répondre à cette question vertigineuse, Kristel Le Pollotec convoque historiens, résistants et victimes des anciennes dictatures, mais aussi archives et extraits de films (Bloko, d’Ado Kyrou, Z, de Costa-Gavras, La Marche sur Rome, de Dino Risi, ou Lettre à Franco, d’Alejandro Amenábar). En Italie, si la peur du communisme a profité à Mussolini, le fascisme est plus profondément un héritage du premier conflit mondial, qui a vu naître des corps spéciaux constitués pour assurer les combats au corps à corps. Ils légueront des rituels, comme la prestation de serment, et une idée : la violence est nécessaire pour faire avancer l’Histoire. En Grèce, souligne Joëlle Fontaine, la dictature des colonels n’est « pas vraiment une résurgence de l’extrême droite fasciste, mais une continuité ».
L’historienne rappelle l’idéologie du dictateur Ioánnis Metaxás, (premier ministre entre 1936 et 1941), le traitement réservé aux résistants grecs à la fin de la Seconde Guerre mondiale, et surtout l’impact de l’installation des autorités britanniques à Athènes à la fin du conflit. Au Portugal, c’est le sentiment de déclin des élites, entre autres, qui permettra au professeur Salazar d’endosser le costume de sauveur, en clamant : « Le Portugal n’est pas un petit pays ! » La généalogie des dictatures ainsi tissée est une histoire croisée de crises identitaires, économiques et politiques, de blessures, de peurs et d’erreurs. Parmi lesquelles la plus énorme et la plus grave de toutes : n’avoir pas pris le fascisme au sérieux.
À écouter
q La série documentaire, Quand vient le fascisme en Europe. Du lundi au jeudi à 17h sur France Culture. Réalisation : François Teste. 4 x 58 mn.