Amatrice de porno, Claire Richard interroge nos fantasmes |
Féministe et amatrice de pornographie, la productrice interroge ses fantasmes et, par là même, ceux de l’auditeur. Une série fascinante à écouter sur Arte Radio.
On n’archive pas ses souvenirs de films pornos comme on le fait avec ses clichés de vacances. Dans ce domaine, Claire Richard en connaît un rayon. Elle entraîne qui veut la suivre dans son exploration boulimique des films X qui ont façonné ses fantasmes de femme depuis l’adolescence. Cette série d’Arte Radio, en six épisodes, accompagne la sortie de son livre éponyme Les Chemins de désirs (éd. du Seuil) — en référence au terme employé par les urbanistes désignant les sentiers dissidents qui longent les routes officielles qu’ils ont dessinées.
« Ces lignes se forment pendant des mois, voire des années sous les pas répétés des marcheurs, des animaux, des cyclistes, elles coupent les virages, traversent où bon leur semble […], obscures, invisibles et déterminées », explique l’auteure, amorçant le récit des scénarios qui sont comme des voies rapides pour ses orgasmes solitaires et clandestins.
Le porno, elle le découvre par hasard à l’âge de 8 ans en tombant sur une BD érotique, jusqu’à ce qu’on la surprenne en pleine lecture avide et qu’on lui arrache les illustrés des mains. La brûlure indécente des images se réveillera à l’adolescence avec une volupté impérieuse. Comme souvent, ce qui est étouffé ou frappé d’interdit trace son sillon dans l’inconscient. Dès lors, elle n’aura de cesse de visionner des vidéos pornographiques à la recherche éperdue de ses chemins de désirs. Une « sexploration » qui nourrit sa « fantasmogenèse » : « un procédé par lequel les fantasmes s’auto-engendrent, vivent et se multiplient d’eux-mêmes par contact et contamination d’images et de sons sans lien avec le réel ». Avec une transparence désarmante, elle commente ses impasses (le porno lesbien), regrettant d’être aussi hétéronormée, partage ses découvertes jubilatoires les plus improbables (violée par un monstre tentaculaire ou un personnage de manga), cherche à comprendre pourquoi la soumission l’excite alors qu’elle est résolument féministe…
Au creux de nos oreilles caressées par sa voix cristalline, Claire Richard ouvre une brèche en sondant les auditeurs : « Fantasmiez-vous pareil avant ou après des films pornographiques ? Quels sont les scénarios tabous qui vous allument ? Et surtout… sauriez-vous dire où et quand ces fantasmes ont démarré ? » Bien sûr, on peut fustiger le voyeurisme de cette invitation dans sa chambre avec vue plongeante sur ses fantasmes détaillés… Mais on aurait bien tort de jouer les effarouché.e.s tant la plume de la productrice est aussi vive que ce hors-piste sonore fascine, pointant parfois nos fantasmes les plus indicibles. A coup de fouet ou à fleur de peau, ce sont là ses chemins de désirs et les nôtres qu’elle croise. Chacun y reconnaîtra les siens.