Radio France va se serrer la ceinture : 60 millions d’euros à économiser ! |
Malgré les bonnes audiences du groupe public, la Pdg Sibyle Veil doit présenter un plan stratégique pour réduire ses coûts d’ici 2022. S’il n’y a pas de suppressions de stations prévues, une baisse du recours aux CDD, une modification du temps de travail ou encore un plan de départs sont au programme.
En février, la cour des comptes jugeait ses efforts insuffisants, et sa situation financière « fragile ». Voilà Radio France, malgré ses bonnes audiences (France Inter a même récemment chipé la place de première radio de France à RTL) obligée de se serrer encore davantage la ceinture : la dotation de l’Etat va baisser de 20 millions d’euros, tandis que ses charges augmenteront alors mécaniquement de la même somme, et qu’il lui faudra investir un montant similaire dans le développement numérique (qui inclut le DAB+, ou passage à la radio numérique terrestre). En tout, 60 millions d’euros sont donc à dénicher d’ici 2022 — sur un budget total d’environ 670 millions d’euros.
Sibyle Veil, pdg du groupe public, propose lundi 3 et mardi 4 juin en conseil social et économique (CSE) de l’entreprise un plan stratégique permettant de respecter cette trajectoire. « Il nous faut faire évoluer nos activités », a-t-elle précisé face aux instances syndicales (voir le live-tweet du SNJ-Radio France). Au programme, une augmentation des ressources propres de 20 millions d’euros, en passant par exemple par une « croissance des recettes publicitaires de 8 millions d’euros d’ici 2022 », toujours selon la présidente, ou la production de contenus à destination de tiers, via le Studio Radio France.
Si le spectre de suppressions de stations ou d’un des orchestres est écarté, il s’agira tout de même de repenser l’organisation. Par exemple en spécialisant l’une des deux formations musicales de Radio France dans des tournées, et en enregistrant des bandes originales de films. Mais aussi en faisant des économies, à hauteur de 25 millions d’euros, sur la masse salariale. Au menu, une modification du temps de travail, des congés, une « maîtrise » du recours au CDD… Avec un probable plan de départs, dont les contours ne sont pas encore définis.
Les salariés sont inquiets d’éventuelles conséquences sur la qualité des antennes. « Il risque d’y avoir moins d’émissions élaborées, de plus en plus de rediffusions, avertit Jean-Paul Quennesson, représentant du syndicat Sud. C’est déjà ce qui se passe à France Musique, qui devient ‘Radio Formol’ en supprimant les émissions de création. La diversité et la richesse des stations sont en danger. Cela ne serait pas digne d’une radio de l’offre, de service public. » Philippe Ballet, de l’Unsa, pointe l’inanité de certaines pistes : « Si chaque salarié rendait trois jours de congé, cela ferait économiser au groupe trois millions d’euros par an, ce qui ne résoudrait pas le problème ! Et puis il faut garder un équilibre entre le travail de dingues que fournissent certains, dans une maison qui fonctionne 24h/24 et 7 jours sur 7, et les vacances offertes pour compenser. »
Plane le spectre de la grève de 2015, historique par sa longueur (28 jours), lancée par les salariés pour déjà s’opposer à des mesures d’économies. « Ce fut une telle secousse, se souvient Jean-Paul Quennesson. Je ne pensais pas revivre cela, pourtant les gens en interne sont à nouveau découragés, déprimés. » Philippe Ballet confirme : « On se retrouve dans une situation similaire à celle d’il y a quatre ans, alors que les audiences augmentent, que l’auditorium de Radio France fait salle comble. »
Le calendrier de ce nouveau chamboulement est serré : un accord de méthode devrait être signé en juin, avant des négociations entre septembre et décembre, et une application des mesures dès janvier 2020. Alors qu’en parallèle devraient se dessiner les contours — encore totalement flous — de la nouvelle organisation de l’audiovisuel public.