A Radio France, un appel à la grève contre le plan stratégique de la PDG Sibyle Veil |
Une intersyndicale appelle les salariés du groupe public à faire grève, mardi 18 juin. En cause, le plan stratégique de la direction, qui prévoit des économies à hauteur de 60 millions d’euros et la suppression de 270 à 390 postes.
Quatre ans après la plus longue grève de son histoire — 28 jours au printemps 2015 —, les personnels de Radio France sont de nouveau appelés à arrêter le travail. Une intersyndicale (CFDT, CGT, FO, SNJ, Sud et UNSA) engage les salariés à se mobiliser, mardi 18 juin, pour « faire échec au sabordage » du groupe public. En cause, le plan stratégique de la PDG Sibyle Veil, qui prévoit des économies à hauteur de 60 millions d’euros et pour ce faire, notamment, une modification du temps de travail et la suppression de 270 à 390 postes — un plan qu’elle a récemment défendu devant la Commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale, et qu’elle estime nécessaire pour éviter un déficit de 40 millions d’euros en 2022 (lire l’interview qu’elle a accordée au Monde).
« Les 60 millions d’euros [d’économies, ndlr] annoncés sont la conséquence du désengagement de l’Etat (...) et de choix d’investissements massifs dans le numérique/web (à hauteur de 20 millions d’euros) au détriment de la production radiophonique », indique l’intersyndicale dans un communiqué. Tout en rappelant que « Radio France a déjà fait les frais de plans d’économies successifs, qui ont conduit à : des salaires bloqués depuis sept ans ; de nombreux départs non remplacés et la politique de redéploiements au profit d’activités nouvelles, qui ont désorganisé bon nombre de secteurs ; des “assouplissements” considérables dans les organisations de travail ; des burn-out et des arrêts maladie en recrudescence (un diagnostic est à réaliser sur ce point) ».
L’union des syndicats dénonce aussi un mode de dialogue social pour le moins insatisfaisant : « pour mieux imposer son projet social injustifié la direction procède à un chantage ; elle affirme que si [des] accords de régression sociale [autour de la flexibilité des horaires, l’annualisation du temps de travail, la suppression de jours de congés…] ne sont pas signés par les organisations syndicales, le nombre de suppressions d’emplois se portera alors à 390 ».
Un plan “punitif et régressif”
De son côté, le syndicat Sud a envoyé, le 14 juin, une lettre ouverte à l’attention de Sibyle Veil, considérant son plan stratégique « punitif et régressif », « aussi dangereux qu’irréaliste ». Il demande son retrait, ainsi que l’élaboration d’un nouveau projet s’appuyant sur davantage de détails concernant les budgets, ressources propres, investissements, modes de financement… Dans une autre lettre ouverte à la PDG, les journalistes du « planning » [le système qui regroupe les salariés en CDD, qui passent de rédaction en rédaction avant un éventuel CDI, ndlr] expriment leur inquiétude quant à la volonté affichée par la direction de mieux maîtriser les dépenses, « en particulier le recours aux contrats CDD ». « Vous écrivez vouloir lutter contre la précarité, mais nous craignons que la réduction du nombre de CDD ne soit au contraire synonyme pour nous d’une baisse de nos revenus et donc d’une augmentation de la précarité ».
« Et si les chiffres de la direction n’étaient pas les bons ? », interroge carrément le SNJ (Syndicat national des journalistes), se demandant comment les 20 millions imputés à « l’évolution mécanique des charges » ont été calculés. Selon Mediapart, un rapport d’expertise, réalisé pour le Comité social et économique (CSE) central de Radio France, démontre que les simulations financières présidant au plan stratégique seraient « insincères ». Selon ce document, les projections de hausse mécanique des charges de personnel s’établiraient à 7,4 millions d’euros sur la période 2019-2022, au lieu des 16,1 millions évoqués par la direction.
Cette dernière dénonce des « chiffres faux ». « Ils reposent sur une méthode de calcul erronnée, assure Marie Message, directrice des opérations et des finances de Radio France. L’année référente de ce rapport a été 2018, or elle n’est pas du tout représentative des années passées, ni à venir pour la masse salariale. Elle a été marquée par le départ de Mathieu Gallet [ex PDG du groupe, ndlr] et un intérim de la présidence ; beaucoup de postes en CDI sont restés vacants durant cette période. »
Les salariés de Radio France se réuniront en assemblée générale mardi 18 juin à midi.