“Quel est le problème avec la galanterie, Ivan Jablonka ?” Salamé et Demorand parlent de féminisme... et c’est affligeant |
Dans le “Grand entretien” de la matinale de France Inter du 29 août, les deux animateurs interrogeaient l’historien Ivan Jablonka à l’occasion de la sortie de son livre sur les masculinités, “Des hommes justes”. Une interview à côté de la plaque, qui détonne avec l’ambition de la chaîne de traiter des sujets de société et des inégalités.
Moins d’une semaine après avoir repris l’antenne, Nicolas Demorand et Léa Salamé, les deux animateurs de la matinale la plus écoutée de France, recevaient ce matin, à 8h20 sur France Inter, l’historien et écrivain Ivan Jablonka, venu présenter son essai Des hommes justes. Du patriarcat aux nouvelles masculinités (éditions du Seuil). L’interview commence bien, Nicolas Demorand détaille le postulat de l’essai : « Vous ne cherchez pas à parler à la place des femmes, votre contribution c’est de regarder quelle est la responsabilité des hommes. Comment et pourquoi s’est créée et se perpétue la domination masculine (…) et pourquoi il est urgent d’en sortir ? » On tend une oreille intriguée, quoique déjà un peu fatiguée par l’interview langue de bois d’Eric Woerth qui a précédé.
Mais très vite les questions des intervieweurs semblent accusatrices, presque moqueuses. « Vous écrivez qu’il faudrait une nuit du 4 août [1789, date de l’abolition des privilèges, ndlr ], où collectivement les hommes renonceraient à leurs privilèges. Carrément, une nuit du 4 août ? » s’étrangle Léa Salamé, avant de demander quels sont les privilèges des hommes. Avec sérieux, Ivan Jablonka parle de charge mentale, de plafond de verre et de sexisme dans le monde du travail : « Les privilèges du patriarcat sont partout », lâche-t-il. « Vous dites qu’aujourd’hui en Occident on est encore sous le patriarcat ? » interroge Léa Salamé, d’un ton dubitatif. Une pente glissante se profile mais l’entretien se poursuit, la journaliste affirmant dans la même phrase que le gouvernement est paritaire et qu’il compte plus de femmes que d’hommes (pas paritaire, donc).
Léa Salamé trépigne de parler séduction et consentement : « Quel est le problème avec la galanterie, Ivan Jablonka ? Avec le fait de porter la valise d’une femme ou de lui faire un compliment ? » Porter la valise d’une femme parce qu’elle est une femme, c’est sous-entendre qu’elle n’en est pas capable et qu’elle a besoin d’être secourue, explique l’auteur. La deuxième partie de l’entretien est dans la même veine, Léa Salamé qualifiant même l’essai d’« exercice sacrificiel » de la part de l’auteur. Consentement, Ligue du LOL, drague de rue… tout y passe, sauf le voile (étonnamment) ; les questions d’un autre temps s’enchaînant. Même le choix des auditeurs interrogés est critiquable.
L’interview d’Ivan Jablonka était construite sur le mode de la moquerie, le sexisme pris comme un sujet désuet dont on plaisante (« Parlez Léa, je ne veux pas faire de manterrupting ! » rigole Nicolas Demorand). Une séquence surprenante quand on sait que la chaîne essaye d’aller draguer les jeunes avec de nouvelles émissions sur le genre (Pas son genre, avec Giulia Foïs) et les pratiques amoureuses (Modern Love, avec Nadia Daam). Pas sûr qu’elle donne très envie de l’écouter en prenant ce sujet si peu au sérieux.