Podcast : sur Majelan, “Flow” passe l’art oratoire à la loupe |
Le journaliste Julien Barret invite des humoristes, comédiens, avocats ou auteurs à ausculter leur rapport aux mots.
Oxymore, litote, métaphore, zeugma… Chaque épisode de Flow, diffusé sur la plateforme Majelan, débute par un chapelet de « gros mots », prononcés avec une gourmandise propre aux linguistes. Par ce podcast consacré à l’art oratoire, le journaliste Julien Barret entend « confier des techniques, des conseils et des clefs pour prendre la parole avec aisance et virtuosité ». Pour ce faire, il s’entoure d’invités au profil varié, qui ont fait de la parole leur métier. Tour à tour, humoristes, comédiens, avocats, et auteurs auscultent leur rapport aux mots pendant près d’une heure. Après une première saison exclusivement masculine, le journaliste rétablit la parité avec la nouvelle série d’épisodes mis en ligne en février (et accessibles gratuitement pendant un mois).
Analogie, anaphore et éloquence…
Sorte de cours de rhétorique express, le podcast s’articule en trois séquences. Pédagogue sans être jargonneux, Julien Barret commence par définir une figure de style souvent utilisée par l’invité pour voir l’effet produit dans son discours. On apprend là que l’humoriste Alex Vizorek raffole des analogies (« la cymbale doit être à la musique ce que la proctologie est à la médecine, ce que le gardien de but est au football africain… C’est le plus maladroit qui s’y colle ! »), que l’autrice Noémie de Lattre a recours à l’anaphore façon « Moi président » pour rendre son propos plus percutant, ou encore que la journaliste et militante féministe et antiraciste Rokhaya Diallo, elle, n’utilise pas tellement de figures de style. À la manière de Boileau pour qui « ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément », elle préfère être directe et ne pas enrober le propos de mots parasites qui pourraient perdre son auditoire.
Dans la seconde partie de l’épisode, Julien Barret analyse avec un ton très pêchu la place de l’éloquence dans le parcours de son interlocuteur, à l’instar de l’ancien rappeur Serge Money, qui a mis son passé dans la musique au service de son métier d’avocat pénaliste. Amoureux des mots, il explique sa façon de les « triturer et décortiquer pour laisser jaillir l’imaginaire » et rappelle la définition d’une punchline : « À partir de ma ligne, tu prends un punch, un coup. »
Atelier oratoire
Après avoir partagé ses techniques et conseils, l’invité se prête au jeu de l’atelier oratoire en effectuant quelques exercices. Julien Barret leur demande notamment de citer leur phrase favorite (pour Rokhaya Diallo, il s’agit de mots de Booba : « J’ai couru comme un esclave pour marcher comme un roi »), de scander un texte ou bien de livrer leur propre version du vers surréaliste de Paul Éluard « La terre est bleue comme une orange ». Mis bout à bout, ces exercices sont une façon de montrer que, comme le rappelle l’acteur Charles Berling dans la première saison de Flow, l’éloquence s’apprend et nécessite un travail : « Gérard Depardieu était bègue, inapte à l’art dramatique, et c’est justement pour ça que c’est devenu un immense acteur. Il avait quelque chose en lui, comme une nécessité de s’exprimer malgré tout ça. »