Cinq podcasts sur les violences policières |
Street medics, mères indignées, militante révoltée, parcours de blessés et combat pour la justice… Cinq histoires de vie et de violences policières, à (ré)couter en ligne.
Une manifestation qui tourne à l’affrontement, une garde à vue dont on ne revient jamais… Depuis quelques années, la liste des victimes de violences policières ne cesse de s’allonger. Questionner, recenser et quantifier l’usage policier de la violence est devenu nécessaire. Ces cinq podcasts viennent prendre le pouls d’une indignation croissante.
Soigner
Qui soigne les plaies des manifestants ? Sur France Inter, Comme un bruit qui court part à la rencontre des soigneurs de rue (street medics) de Bar-le-Duc. Blouse blanche et tenue de camouflage sur le dos, ils ne reculent devant aucun gaz lacrymogène pour administrer les premiers soins aux Gilets jaunes blessés et à ceux qui ne faisaient que passer par là. « Le mot d’ordre, c’est qu’on reste à disposition de tous les blessés. À partir du moment où un homme est à terre, il est hors combat. » Cette philosophie humaniste et bienveillante est parfaitement capturée par Charlotte Perry. La reporter offre un documentaire immersif – drôle par moments – où la bonne humeur flirte avec l’urgence des situations.
S’indigner
6 décembre 2018. Les manifestations étudiantes contre Parcoursup battent leur plein. En marge du blocage de deux établissements, cent cinquante et un lycéens de Mantes-la-Jolie sont mis à genoux par la police, mains derrière la tête. Un an après les événements, Radio Parleur tend le micro à des mères indignées, devenues militantes. « En vingt-quatre heures, le bras armé de l’État a fabriqué un sentiment de haine chez de jeunes citoyens », assure Rachida. Son fils Yasser est ressorti de garde à vue changé, traumatisé. Dans ce document sonore se déploient les voix révoltées de femmes qui craignent pour l’avenir de leurs enfants. Un reportage bref qui frappe aussi fort qu’un coup de poing.
Riposter ?
« Le temps des mots est révolu. Je rejoins la manif, je prends un pavé qui traîne et le jette en direction de la première ligne de boucliers », lâche la narratrice. Pour cette manifestante, plus question de discuter ni de scander des slogans. L’heure est à la destruction des symboles d’un pouvoir qui n’entend pas. Légitime Violence raconte le parcours d’une militante anonyme, de ses premières indignations à l’intégration d’un black bloc. Autour d’elle, une dizaine de personnes – un policier, un photojournaliste, une sociologue… – tentent de penser la violence, dont les contours ne cessent de leur échapper. La première production du label Convergence est une réussite : un véritable objet sonore, à la forme hybride – entre documentaire et œuvre musicale –, qui électrise à tel point que l’on se surprend parfois à chantonner la révolte aux côtés des manifestants. Sarah Lefèvre, Pierre Chaffanjon, Charlie Dupiot et Ivan Vronsky signent ici un podcast à l’écriture fine et sensorielle, qui demeure dans les esprits bien après l’écoute.
Porter plainte
« Les procès sont presque aussi difficiles à vivre que la blessure en elle-même. On est dépossédé de son affaire par des magistrats qui retranscrivent une histoire douloureuse avec des mots assez abjects, et on est face à un agresseur très bien défendu par des avocats payés par nos impôts », confie Pierre Douillard-Lefevre à Samia Basille. Éborgné par un tir de LBD en 2007, le sociologue n’obtient dédommagement qu’après plus de dix ans de procédure. Son cas n’est pas isolé. Il fait même plutôt école. Dans Les Forces du désordre, Samia Basille montre avec beaucoup de justesse que, loin d’offrir réparation, l’appareil judiciaire participe à invisibiliser les victimes de violences policières. Pour Slate.fr, la journaliste livre un travail exigeant et documenté. Elle ne fait jamais l’économie des points de vue et confronte inlassablement les discours des policiers et autres CRS à ceux des manifestants. Une écoute à prolonger avec les six autres épisodes de la série.
Fédérer
« C’est une histoire douloureuse mais qui doit être racontée. » Dans Les Pieds sur terre sur France Culture, Assa Traoré revient sur la mort de son frère Adama. Le 19 juillet 2016, le jeune homme de 24 ans décède lors d’une garde à vue, après une violente interpellation par des gendarmes de Beaumont-sur-Oise. Depuis, Assa Traoré mène un combat incessant pour que lumière soit faite sur les événements qui ont conduit à la mort de son petit frère. Au micro de Leila Djitli, son récit est puissant, assuré. Chaque phrase se conjugue au futur comme si Assa Traoré savait que le travail ne fait que commencer. Retour sur le parcours d’une femme devenue – au côté de sa famille – le symbole de la lutte contre les violences policières dans les banlieues.