On le croyait mort au profit de la vidéo, le podcast se porte à merveille. Il fait même naître une nouvelle culture sur le web et invente ses propres codes narratifs et modèles de diffusion. Si Radio France constitue l’essentiel de l’offre en France, d’autres podcasts sont nés dans la presse ou via des producteurs et journalistes indépendants. Petit tour d’horizon des blockbusters du genre et derniers-nés. 

• Une radio en mobilité 

L’écoute des podcasts s’est largement diffusée avec la démocratisation des smartphones permettant l’écoute de la radio en mobilité. On emporte la radio avec soi dans le métro, en voiture, en vacances ou pendant les séances de sport. Marie Richeux, Productrice de France Culture explique dans Télérama à quel point elle aime écouter des podcasts dans toutes les situations :

1 millions de podcasts seraient consommés chaque jour en France. La radio bénéficie de l’effet longue traîne offert par ce format.  En France, 80% de la consommation de podcasts serait issue du broadcast. Radio France produit l’essentiel de cette offre avec de nombreuses émissions telles que Affaires sensibles, La Tête au Carré, Les Chemins de la philosophie et La Fabrique de l’Histoire. Les humoristes de France Inter ne sont pas en reste : Si tu écoutes j’annule tout est en tête avec près de 4 millions de téléchargements,  un record absolu pour une émission de Radio France. L’Humour d’Inter comptabilise 2,9 millions de téléchargements.

En mars 2017, 51,3 millions de podcasts Radio France ont été téléchargés dont 29,9 millions pour France Inter et 16,7 millions pour France Culture.

Aujourd’hui, les podcasts des différentes stations sont disponibles en téléchargement pendant un an. Il n’existe pas encore à ce jour de mesure officielle de téléchargement mais la croissance en France est vertigineuse. Selon Apple, les chiffres de téléchargement auraient augmenté de 50% entre 2014 et 2016 au niveau mondial. Selon nos estimations, 15 milliards de podcasts auraient été téléchargés en 2016 dans le monde.

• De nouveaux codes d’écriture

S’il est souvent dérivé d’un programme broadcasté, le podcast peut également être natif web sous forme de programme unitaire avec ses propres codes d’écriture. Les Américains ont boosté le marché du podcast natif en produisant des narratives nonfiction, des longues séries sonores utilisant les ingrédients du storytelling si efficace dans les séries américaines : script de l’histoire, scènes jouées par des comédiens, logique de cliffhanger entre deux épisodes, construction de personnages sur la longueur. L’intrigue est distillée sur la longueur et dévoilée aux auditeurs au fil des épisodes.

A l’origine de ce succès, le journaliste, producteur et animateur de radio américain Ira Glass. En 2014, il produit Serial, qui réexamine un cas juridique de meurtre. C’est le premier podcast à avoir obtenu 110 millions de téléchargements. La suite, S-Town, sorti en mars 2017 a réalisé 40 millions de téléchargements en un mois. (On estime qu’aux Etats-Unis, 46 millions d’auditeurs écoutent en moyenne 5 podcasts par semaine.)

En France, Slate a lancé l’offre Transfert.  Des podcasts de 30 minutes produits par Caroline Gillet, Baptiste Etchegaray et Agathe Le Taillandier via un format narratif qui met en avant la parole individuelle et intime comme si la personne qui se raconte se confiait directement à nous et rien qu’à nous. Exemple avec le témoignage de Hugo et de sa relation avec ses voisins.

L’offre Binge Audio propose des discussions autour des thématiques de Musique, Cinéma et Jeux Vidéos (No Fun, No Ciné, No Game) et une série documentaire, Superhéros, produite par Julien Cernobori. Ecoutez l’histoire d’Hélène qui court sur 12 épisodes.

Enfin, le dernier-né Boxsons propose des séries de reportages telles que l’histoire du parcours de Sami d’Erythrée à Calais.

• Un modèle économique qui se cherche encore

Le mode de diffusion des podcasts le rend difficilement monétisable. La plateforme dominante de diffusion reste iTunes même si le modèle de présentation en arborescence peut apparaître vétuste en 2017.

D’autres plateformes ont émergé : Pandora, Stitcher, Audible ou encore Soundcloud qui sont davantage adaptées au mode d’écoute de l’audio en ligne.

Aux Etats-Unis, les annonceurs ont commencé à investir le marché du podcast. Le programme This American Life d’Ira Glass génère aujourd’hui davantage de recettes en podcast qu’à l’antenne.

Le modèle privilégié aux Etats-Unis est le sponsorship. Le New York Times a ainsi choisi BMW qui lui permet de simplifier son modèle de revenu publicitaire et de profiter d’un auditoire intéressé et fidèle. Cette qui pourrait être davantage exploitée dans l’Hexagone.

En France, les podcasts ne sont pas encore ou peu monétisés. Quelles sont alors les méthodes de financement utilisées ?

• Capitaliser sur la qualité éditoriale et le potentiel de fidélisation

Moins viral que la vidéo, le podcast possède d’autres avantages. Il est synonyme de qualité éditoriale et très fidélisant. Des communautés de fans se constituent autour de certains podcasts.

L’enregistrement public peut fédérer une communauté d’auditeurs autour d’un programme audio. Le premier exemple de communauté constituée autour d’un enregistrement public est studio 404.

L’événementiel fédère la communauté autour du programme audio au même titre que les concerts pour un artiste. Rendre cet enregistrement payant un peu comme « un cinéma pour les oreilles » peut être une des sources de financement.

Les producteurs de podcasts font également appel au crowdsourcing. Binge et Boxsons ont fait plusieurs levées de fond via la plateforme Ulule.

Audible.fr, une société d’Amazon, sponsorise les podcasts de Slate.fr. Le partenariat couvre ainsi les frais de production de leur offre audio en ligne.

A terme, les producteurs de podcasts souhaitent mettre en commun leurs compétences afin de trouver le meilleur modèle de monétisation de leurs contenus. Sur le marché français, le GESTE et l’ACPM souhaitent mettre en place via Médiamétrie une mesure de la consommation de l’écoute de l’audio en ligne.

Le podcast est moins viral que le format vidéo mais il possède d’autres avantages. Les nouveaux formats ne remplacent pas les précédents. Ils coexistent avec eux.  Plus l’offre audio en ligne sera riche et diversifiée, mieux elle se portera et plus elle sera à même de trouver un modèle de financement pérenne.

A écouter :

Le podcast : le futur de la radio? , Soft Power, France Culture, Avril 2017

Le renouveau de la fiction audio, L’Air du son, Mai 2017

A lire :

Out on the wire, the Storytelling Secrets of the New Masters of Radio, Paperback, Août 2015

Les podcasts, un beau succès qui peine encore à séduire les annonceurs, les Echos, Juin 2016

Facebook live Audio, So what?, Radio Intelligence, Décembre 2016.

Le podcast, nouveau terrain de jeu de la radio, Télérama, Mars 2017.

« L’Air du son », le podcast qui parle des podcasts, Le Monde, Mai 2017

Sur Hyperradio :

Ressources sur les podcasts 

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