Sans notes
Sur France Culture, le destin sinueux de Lee Miller, reporter de guerre et photographe de mode
Image telerama.fr

La journaliste Judith Perrignon ravive la mémoire de la photographe Lee Miller dans une “Grande traversée” sur sa vie aventureuse et tragique. Un portrait bouleversant, loin des clichés à découvrir sur France Culture.

Été 1946. Lee Miller se prête au jeu d’une émission de radio américaine. C’est le seul enregistrement de sa voix connu à ce jour. « Rien n’indique que bientôt elle va se taire, jusqu’à l’oubli », regrette la journaliste et romancière Judith Perrignon. Pour raviver la mémoire collective, elle lui consacre une Grande traversée, sur France Culture. Le documentaire (cinq épisodes de une heure chacun) retrace le riche parcours de Lee Miller (1908-1977) : mannequin, muse, artiste et photographe surréaliste, reporter de guerre présente lors de la découverte des camps de concentration de Buchenwald et Dachau, cuisinière passionnée et mère dans le Sussex. Un portrait bouleversant peint par les témoignages de ses proches et la lecture de ses textes.

Connaissiez-vous la photographe avant de produire cette Grande traversée ?

Je l’ai découverte lors d’une rétrospective au Jeu de paume en 2008-2009. J’ai été complètement fascinée par son travail et son histoire. Je me rappelle même avoir acheté le documentaire Lee Miller ou la traversée du miroir, de Sylvain Roumette, à la sortie de l’exposition. Quand on a évoqué son nom pour les Grandes traversées à l’automne 2021, j’ai tout de suite été emballée. J’ai donc contacté les Archives Lee Miller, gérées par sa famille à Farley Farm, dans le Sussex. Ils étaient ennuyés parce que Hollywood prépare un film sur elle avec Kate Winslet. Ils ne savaient pas s’ils avaient le droit de collaborer avec nous. Sans leur participation, je n’aurais pas pu réaliser ce documentaire. Physiquement, tout y est stocké et c’est là-bas qu’elle a vécu. Finalement, on est partis dans le Sussex fin mars. On a passé deux jours à déambuler avec Tony, son fils, à s’égarer avec lui dans ses souvenirs d’enfance.

Vous êtes allés à Buchenwald aussi ?

Oui on a rencontré Holm Kirsten là-bas [historien en charge de la photographie au mémorial du camp, ndlr]. On a traversé le camp en s’arrêtant aux endroits où les photos de Lee Miller pour Vogue ont été prises. Grâce à Gaël Gillon, on l’entend très bien dans la réalisation. Il y a nos bruits de pas et le bruit des photos qu’on manipule. On a en quelque sorte reconstruit le moment de la découverte de l’horreur à travers les yeux de la photographe. Les gens qui entraient dans le camp à cette époque-là pouvaient-ils concevoir ce qu’ils voyaient ? C’est ce qui se joue dans ces jours d’avril 1945. Lee Miller garde la tête froide sur le moment. Mais elle craquera plus tard et souffrira de stress post-traumatique. À travers ses yeux et ses photos, on assiste à un grand instant de vérité historique. On a aussi des clés de compréhension sur la violence qu’elle subit et qu’elle traînera derrière elle le reste de sa vie.

Lee Miller Archives, Angleterre, 2022

Elle a peu parlé de cette violence à ses proches. Comment entrer dans sa psyché et son intimité ?

Grâce à ses articles parus avec ses photos dans Vogue. Tout ce qu’elle envoyait depuis le front. Mais aussi les lettres qu’elle écrit, par exemple quand elle est sur le point d’accoucher. C’est à la fois très littéraire, lucide, cru et beau. Elle ne cherche pas à séduire, elle est sans filtre. De même, au moment de la Libération, elle raconte la joie des rues mais très vite elle passe à autre chose comme la corruption des esprits. Ses chroniques de guerre et ses textes mériteraient d’être publiés. Je me souviens d’être en train de les lire au deuxième étage de Farley Farm. J’avais peu de temps, on n’avait pas le droit de faire des photos donc il fallait annoter pour qu’on nous envoie ensuite les photocopies. J’avais peur de rater des passages sublimes.

“Quand on évoque Lee Miller, les gens en parlent comme de la muse de Man Ray ou de Jean Cocteau. Il fallait absolument corriger ça, c’est réducteur.”

La notion de cheminement est importante dans l’écriture et la réalisation de ce documentaire.

Oui, la déambulation, c’est ce qui caractérise cette Grande traversée. Elle permet d’accompagner la découverte du personnage. L’interview de son fils Tony dans Farley Farm et ses jardins a été particulièrement centrale. On voit défiler les grands et terribles moments du XXᵉ siècle, à travers sa vie de famille et les murs de cette maison.

On présente souvent Lee Miller comme la muse de Man Ray. Vous avez préféré ne pas le faire en évoquant cette partie de sa vie. Pourquoi ?

Quand on évoque Lee Miller, soit les gens ne la connaissent pas, soit ils en parlent comme de la muse de Man Ray ou de Jean Cocteau. Il fallait absolument corriger ça, c’est réducteur. À l’époque où elle était mannequin pour Vogue à New York ou sujet pour les artistes à Paris, elle travaillait déjà à son indépendance. Elle apprenait la photographie en même temps pour pouvoir se mettre à son compte. Elle s’est ensuite épanouie avec ses pairs surréalistes, comme une artiste à part entière. D’ailleurs, on le sait peu mais la photographie était un milieu proportionnellement plus féminisé à l’époque qu’aujourd’hui, comme le rappelle l’historienne Hilary Roberts.

Sa condition de femme ne l’empêche pas de partir en tant que reporter de guerre…

Elle part sur le terrain de la guerre, un terrain d’hommes. Mais elle sait s’imposer. Elle a un tempérament très fort, ça se voit dans ses textes. Qu’elle le revendique ou non, Lee Miller est une figure du féminisme.


À écouter

s La Grande Traversée : Lee Miller, une combattante, sur France Culture, 5 × 58 mn, disponible sur franceculture.com.

À voir

Lee Miller, photographe professionnelle (1932-1945), exposition dans le cadre des Rencontres d’Arles, jusqu’au 25 septembre.

À lire

Les Vies de Lee Miller, d’Antony Penrose, 224 p., 116 illustrations, 19.90 €, éd. Thames and Hudson (réédition de l’ouvrage paru en 1985 ).


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