Aline Pénitot, la femme qui murmurait à l’oreille des baleines |
Une interface musicale pour dialoguer avec le plus grand des cétacés ? La navigatrice Aline Pénitot évoque avec passion son projet singulier dans “LSD, la série documentaire”, sur France Culture.
Comment aurait-il pu en être autrement ? Arrière-arrière-arrière-petite-fille de corsaire normand, Aline Pénitot a la mer chevillée au cœur et à l’oreille. Cette navigatrice — remarquée pour avoir été l’une des rares femmes à traverser le pôle Nord magnétique à la voile en 2012 — compose des musiques électroacoustiques à partir des interactions entre les baleines et les dauphins qu’elle croise, notamment lors de ses Transatlantiques. Elle signe un projet inédit avec le bioacousticien Olivier Adam, spécialiste des chants de baleines à bosse : créer ensemble une interface aquatique humain-machine-baleine qui permettra à l’homme et à l’animal de dialoguer enfin. Une aventure scientifique émouvante qu’elle partage dans LSD, la série documentaire, sur France Culture.
Quelle proximité avez-vous développée avec ces cétacés ?
Comme tout navigateur, je témoigne de leur curiosité à rencontrer l’homme. Quelques-uns de ces moments interrogent profondément : pourquoi, alors que nous étions bloqués au milieu de la glace, en Alaska, une baleine n’a cessé de revenir vers nous, soufflant pour indiquer le chemin à suivre et nous sortir de ce marasme ? Pourquoi, alors que je vomissais depuis vingt-quatre heures de la bile en mer de Béring, deux orques se sont mises à parader parallèlement au bateau, et pourquoi, à les fixer longuement, le mal de mer est passé ? Des histoires comme celles-ci ne manquent pas chez les marins.
Vous consacrez un épisode de la série à « l’audace de quelques savants » qui incarnent selon vous une nouvelle figure de l’aventurier…
Ces scientifiques ont de loin dépassé la figure du voyageur naturaliste du XIXe siècle. Ils montent des programmes de recherche ultra créatifs pour stimuler la connaissance des milieux marins hostiles à l’humain. Et jouent un rôle primordial contre la dérégulation du climat, la pollution sonore et l’augmentation de l’acidité des océans. Hervé Glotin est en train d’inventer des bornes acoustiques sous-marines de détection de mammifères marins, reliées à la terre ou à toute embarcation, pour permettre un système d’alerte anticollision.
Comment fonctionne votre interface musicale entre l’homme et l’animal ?
Nous avons travaillé des relations timbrales étonnantes au basson avec Sophie Bernado. Je joue ensuite depuis un ordinateur des sons préparés envoyés dans un haut-parleur sous l’eau, non loin du bateau. Et un hydrophone capte ce qui se passe en réaction dans les profondeurs. Que les baleines aient répondu n’est pas très étonnant ! C’est la manière dont les chants ont évolué vers le dialogue au fil de l’échange qui est bouleversante.