Podcast : “Une odeur de poudre”, les drogues dures sans tabous sur France Culture |
Adila Bennedjaï-Zou consacre une série documentaire passionnante aux substances illicites. Dealers et consommateurs racontent sans glorification ni diabolisation leur rapport aux drogues : des témoignages forts, rares et absolument nécessaires.
« J’ai passé tellement de temps avec des gens qui en consomment que je me considère comme une cocaïnomane passive. » Ainsi débute Une odeur de poudre, la collection documentaire d’Adila Bennedjaï-Zou sur la drogue, ses usages, ses navrantes grandeurs et ses vertigineuses décadences. Six épisodes, distillés depuis 2017 par Les pieds sur terre, sur France Culture, qui font entendre des témoignages rares et forts, une parole libre et libérée sur un sujet tabou. Des dealers francs du collier, des consommatrices, des accros aux drogues de synthèse, d’autres qui ne peuvent travailler sans cocaïne (et pas qu’un peu)…
« J’ai décidé de parler de drogues dures en constatant à quel point ça existait, de manière forte, autour de moi. On n’en parle que pour dire que c’est mal, et c’est normal. Mais l’évoquer d’un point de vue uniquement moraliste empêche de questionner les pratiques et de se demander pourquoi c’est si répandu », explique Adila Bennedjaï-Zou, qui, c’est une marque de fabrique, n’hésite pas à parler à la première personne et à se raconter aussi.
Une banalisation des pratiques?
« Ce “je” est important parce que je traite de choses assez taboues. Je voulais assumer un ton sans condamnation ni glamourisation. Mes interlocuteurs ont du mal à se confier, donc en leur donnant du “je”, je leur rends un peu. » Les témoins n’ont pas toujours été faciles à trouver ou à convaincre : « Il y a des choses que je n’ai pas réussi à faire, comme accéder à l’échelon au-dessus du livreur, monter d’un cran dans le réseau du deal. Car me parler à ce niveau, c’est risquer gros », précise la documentariste.
A l’écoute, on a parfois l’impression de beaucoup de désinvolture de la part de certains témoins, presque d’une banalisation de leurs pratiques. Comme dans le troisième épisode, où deux jeunes hommes parlent avec détachement de leur consommation de drogues de synthèse. « Ils ne sont pas déculpabilisés. S’ils développent un tel argumentaire pour expliquer pourquoi ils se droguent ou dealent, c’est bien que ça les travaille. Les vendeurs, comme les consommateurs, s’arrangent avec leur conscience. »
“La realité en pleine face”
Après la diffusion de cette émission, un récit est arrivé, par message, directement aux oreilles des Pieds sur terre. Une mère y racontait l’histoire de son fils Maxime, mort à 25 ans après avoir consommé une sorte de LSD. Son témoignage, ainsi que celui d’un ami de Maxime, constitue l’épisode 4, très dur, de la série. « Ça m’a beaucoup secouée. Je suis toujours persuadée qu’il faut en parler sans diabolisation ; reste que d’un coup un aspect de la réalité m’est arrivé en pleine face », explique Adila Bennedjaï-Zou, qui ne l’a pourtant pas occulté. Pour tout cela, la série est d’une absolue nécessité.