La Caste, lieu dédié à la création radiophonique, va ouvrir à Aubervilliers |
Une “fabrique sonore” de 100 mètres carrés mettra à disposition de passionnés les ressources nécessaires à la création radiophonique, à l’écoute et à l’éducation aux médias. Le collectif Transmission qui dispense une formation au son gratuite et ouverte à tous est à l’origine de cette initiative.
L’idée, c’est d’abord d’héberger la formation initiale de Transmission », nous explique la documentariste radio Sarah Lefèvre, formatrice au sein de Transmission. Les deux premières promotions de cette école de radio, libre et gratuite, n’avaient jusqu’ici pas de matériel ou d’espace. Cela ne les a pas empêchées de former des créatrices talentueuses, dont deux ont été récompensées au festival Longueur d’ondes pour leurs minidocumentaires à la construction narrative impeccable. Norah Benarrosh-Orsoni avec Tout de suite les grands mots, sa création sur le consentement, ou Zoé Perron, dont le Kebab Blues pose la question du racisme de manière astucieuse.
Pour remédier au manque de moyens, l’association, pilotée entre autres par le journaliste Ziad Maalouf, participe à un appel à projet organisé par la Ville d’Aubervilliers. À la clé, un lieu au loyer modéré pendant deux ans, l’endroit idéal pour continuer à « mettre en commun les savoirs et les outils radiophoniques » tout en les proposant à des publics encore plus larges. Parmi eux, des enfants et des adolescents tout juste arrivés en France, qui tentent de s’approprier une langue qui n’est pas la leur.
Une initiative à l’ancrage territorial fort
« On a travaillé pendant un an avec une classe de jeunes élèves, racontent Charlie Dupiot, journaliste radio et formatrice au sein de Transmission, et Larissa Clement-Belhacel, professeure de français et ancienne élève de la structure. L’atelier portait sur le thème de la famille et ils devaient interviewer leurs parents, frères et sœurs. Ils se sont totalement appropriés les enregistreurs et ont réussi à capter des voix auxquelles on n’aurait jamais pu se confronter autrement. On aimerait bien entreprendre ce genre de projets sur le long terme à La Cassette. » L’objectif est de démocratiser la création sonore, d’en faire l’outil d’une inclusion sociale.
« La Cassette doit devenir un relais du terroir culturel local, détaille la journaliste Sarah Lefèvre. C'est un espace où doivent vivre des créations d’Aubervilliers. On aimerait par exemple exposer dans notre vitrine des photographes de la ville. » Derrière cette fameuse vitrine d’exposition, un bar et une zone d’accueil pour les temps de convivialité, un espace de travail pour accueillir des formations et des séances de travail, un studio et deux cabines insonorisées. Le lieu ouvrira ses portes à la rentrée (sauf en cas de retard dû au confinement), six jours sur sept, et abritera des séances d’écoute, de formation ou encore des enregistrements publics.
Créer du lien social, faire entendre d’autres voix
« La plupart des gens qui travaillent à la radio viennent du même endroit et ont fait les mêmes études ; c’est un problème car on a besoin de plus de diversité et de faire résonner des voix qu’on n’entend pas d’habitude », défend Romane Lila-Chibane, membre de la deuxième promotion de Transmission, qui a réalisé Décider des décibels, un documentaire de trente minutes sur la fête et ses significations. La Cassette pourrait devenir l’écrin de narrations expérimentales, participer à l’invention de formats radiophoniques nouveaux tout en révélant des talents. « On a envie d’expérimenter davantage et d’élargir ce collectif à des gens qui font de la musique électroacoustique, des installations acousmatiques ou du théâtre. »
Une démarche qui fait écho aux principes des Sons fédérés, cette « assemblée d’artisan·e·s radiophoniques et sonores » qui a à cœur de faire entendre le son dans tout ce qu’il a de polymorphe tout en renforçant les solidarités entre les créateurs, souvent précaires. Le son permet-il de faire communauté ? C’est en tout cas ce que soutiennent les membres du collectif Transmission : « Ce lieu est politique, avancent certains. Ceux qui font du son n’ont plus d’espace d’échange. On enregistre seul sous la couette avec notre matériel et c’est difficile d’aller au bout de ses projets. Un endroit comme le nôtre peut tout changer. » Une initiative parciulièrement enthousiasmante dans le paysage sonore actuel, où la plupart des formations audio se révèlent souvent très coûteuses.