Cinq podcasts sur... la fabrique du journalisme |
Une reportrice en Syrie, une pigiste à Ramallah, un roi du fait divers, une enquête au long cours sur l’affaire Dupont de Ligonnès… À l’occasion du Festival international de journalisme de Couthures-sur-Garonne, voici cinq podcasts qui décryptent les rouages de l’information.
Ils décryptent la mécanique de l’information, racontant les rouages d’un double dossier spécial sur l’affaire Dupont de Ligonnès, le quotidien d’une journaliste pigiste en Palestine ou la façon de couvrir la guerre en Syrie. À l’occasion du Festival international de journalisme, qui a lieu du 9 au 11 juillet à Couthures-sur-Garonne, voici cinq podcasts sur la fabrique du journalisme.
Couvrir la guerre en Syrie
Elle est devenue reportrice de guerre « un peu par hasard ». Dans Programme B, Sophie Nivelle-Cardinale, qui a passé dix ans à suivre la guerre en Syrie, se raconte au fil de huit épisodes — dont nous avons pu entendre le prologue, long de treize minutes. « Je suis allée couvrir des manifestations qui sont devenues des guerres, et j’ai continué à couvrir ces événements, dit-elle avec simplicité. Le paradoxe, c’est que je me suis sentie à ma place sur un terrain de guerre. » La journaliste joue avec les clichés, évoquant « l’image romanesque d’un homme au visage buriné et au gilet à poches » qui apparaît quand on parle d’un reporter de guerre. « Moi je trouve que c’est bien de passer inaperçue », assure celle qui a d’abord été à Beyrouth pour Arte et Europe 1, avant de « rater » la révolution en Égypte, et de partir en Libye en 2011 – « ce fut mon baptême ». Un témoignage qui s’annonce fort, à suivre tout l’été.
Désordres extraordinaires dans Programme B, sur Binge Audio. Réalisation : Mathieu Thévenon. 8 épisodes diffusés tous les vendredis, jusqu’au 27/8.
Dupont de Ligonnès : au cœur de l’enquête de Society
En août 2020, le magazine Society publiait deux numéros spéciaux (au succès considérable, réédités ensuite en livre) sur Xavier Dupont de Ligonnès, ce Nantais en fuite depuis dix ans, soupçonné d’avoir tué sa femme et ses quatre enfants. Dans Mécaniques du journalisme, sur France Culture, Élise Karlin récolte le récit de cette « enquête sans fin », boulot de plusieurs années mené par Pierre Boisson, Sylvain Gouverneur, Maxime Chamoux et Thibault Raisse. Les quatre journalistes relatent avec précision leur rapport à ce fait divers, leurs méthodes de travail, leur volonté de reprendre les pistes suivies par la police, tout en respectant l’enquête officielle toujours en cours. Ils détaillent l’empathie dont ils ont fait preuve face aux témoins et proches encore vivants du supposé coupable, le choix de citer certaines sources et pas d’autres, ou celui de faire illustrer plusieurs de leurs textes par des photos de paysages vides, plutôt que par des dessins plus démonstratifs. Ils reviennent aussi sur l’arrestation d’un homme en octobre 2019 en Écosse, pris à tort pour Ligonnès. Et la façon dont ils ont dû batailler alors au sein de leur magazine pour ne pas publier alors un seul article « définitif » sur le sujet, qui aurait « grillé » leurs années de travail. Une instrospection professionnelle collective captivante.
L’affaire Dupont de Ligonnès, une enquête sans fin, dans Mécaniques du journalisme, sur France Culture. Réalisation : Thomas Dutter. 4 x 11 à 14 mn.
Une pigiste à Ramallah
« Comment je faisais avant ? » se demande la journaliste Marine Vlahovic au début de la série de podcasts d’Arte Radio Carnets de correspondante. Avant, c’était entre 2016 et 2019, lorsqu’elle était correspondante à Ramallah, en Cisjordanie, territoire palestinien, à une dizaine de kilomètres au nord de Jérusalem. Une « petite bulle » un peu « bling-bling » au milieu d’une terre occupée par l’armée israélienne. En s’y installant, elle n’imaginait pas « une telle spirale », qui a fini par l’avaler, confie-t-elle à Télérama. Si la vie d’un correspondant au Moyen-Orient exalte souvent un imaginaire viril, aventurier et palpitant, Marine Vlahovic a justement décidé de le raconter en podcast pour briser certains fantasmes. « J’ai souhaité reposer le cadre. Cette région mérite une couverture plus incarnée que celle qu’on lui réserve », explique-t-elle. Bien sûr, elle croise des patrouilles israéliennes la nuit et couvre les manifestations des Palestiniens lors des marches du retour, organisées pour commémorer la Nakba, c’est-à-dire l’exode palestinien de 1948. Une fois, une balle israélienne a même frôlé sa joue. Mais la plupart du temps, son quotidien est « plutôt plan-plan », loin du « cliché du reporter de guerre à veste multipoche ». Souvent, elle enregistre les papiers qu’elle envoie aux radios en pyjama et avec une « gueule de bois », entre deux « cafés-clopes ».
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Carnets de correspondante sur Arte Radio. Réalisation : Arnaud Forest et Marine Vlahovic. 5 x 20 mn.
Philippe Pujol, le roi du fait divers
« L’écriture, dans un journal quotidien, c’est choper un mec par le col, lui dire “tu lis ça” et arriver à le maintenir assez longtemps pour qu’il aille au bout de ton papier. » Le ton est donné, Philippe Pujol ne fait pas dans la dentelle : fait-diversier du journal La Marseillaise pendant onze ans, le journaliste dit avoir couvert pas moins de deux cents homicides, quatre mille braquages, des dizaines de milliers de vols à l’arrachée et une trentaine de suicides. Désormais journaliste indépendant auréolé du prestigieux prix Albert-Londres pour sa couverture du trafic de drogues dans les cités marseillaises, il revient sur sa carrière au micro de Thomas Rozec dans la série de Programme B intitulée Désordres ordinaires, produite par Binge Audio. Peu friand de faits-divers à son arrivée au journal, le jeune Philippe Pujol n’a d’autre choix que de s’y intéresser lorsqu’on lui attribue – bien malgré lui – la rubrique des « chiens écrasés ». « Je voudrais bien raconter que j’ai commencé en étant un fin limier, toujours derrière chaque affaire. Mais non, au début j’étais dans la galère la plus totale, je faisais plus pitié qu’autre chose. » À force de travail, grâce à sa « gueule de flic » et porté par son envie féroce de « niquer La Provence », journal concurrent dont un des journalistes lui a fait un sale coup, Philippe Pujol se fait une place dans les couloirs du mythique hôtel de police marseillais de l’Évêché.
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Désordres ordinaires, dans Programme B de Binge Audio.
Réalisation : Mathieu Thévenon et Quentin Bresson. 7 x 15 mn.
Journalisme à grande vitesse
« Cette alarme-là, discrète mais pénible, c’est un tweet. Là, c’est l’e-mail d’un expéditeur important ; le barrissement d’éléphant par contre... franchement, je ne sais plus », liste Tassilo Hummel. Pour Arte Radio, il raconte dix-huit mois d’une vie rythmée par les alertes sonores. Son travail ? Speed editor ou « journaliste à grande vitesse » au sein de l’agence de presse Reuters, à Berlin. Un métier euphorisant où chaque seconde compte. Chaque jour, ses yeux scrutent l’actualité économique et politique à travers des centaines de milliers de mails. Il produit des dépêches qui influenceront bon nombre d’entreprises. « Une fois que tu publies quelque chose, c’est immédiatement repris par des centaines de médias. S’il y a une erreur, c’est foutu. » Une lourde responsabilité pour le documentariste allemand, qui a depuis changé d’emploi. Pour Les histoires de 28’ (une déclinaison audio autour de l’émission 28 Minutes d’Arte), il réalise un documentaire haletant qui révèle un pan méconnu de l’activité journalistique, où la rapidité est reine.
Journaliste à grande vitesse, dans Les histoires de 28’ sur Arte Radio, épisode du 23/4. Réalisation : Samuel Hirsch. 7 mn.