À Radio France, la grève et l’inquiétude perdurent |
“L’effort qu’on demande à Radio France est soutenable”, a affirmé le ministre de la Culture, Franck Riester, sur RMC et BFM TV. Pendant ce temps, la grève se poursuit et les salariés multiplient les tribunes et appels à l’aide.
Après les producteurs des antennes de Radio France (qui ont signé une tribune dans Le Monde), c’est au tour des journalistes du groupe public de s’insurger contre le plan d’économies mis en place par la pdg Sibyle Veil – qui prévoit notamment la suppression de près de 300 postes. « Supprimer 299 postes sur environ 4 600, cela ne fait, nous direz-vous, “que” 6 % de la masse salariale, précisent-ils dans un texte paru dans Libération. Mais si l’on regarde les postes concernés, ce sont 14 % des emplois dits “cœur de métier” qui sont ciblés : journalistes, techniciens, réalisateurs, documentalistes, musiciens. Vous, auditeurs, écouterez donc plus de rediffusions, moins d’émissions élaborées, et une information inévitablement affaiblie. Que restera-t-il à podcaster ? Que produirons-nous encore qui soit d’assez bonne qualité pour durer ? Nous venons de célébrer les vingt ans d’Interception, magazine de grand reportage de France Inter. De quoi serons-nous fiers dans vingt ans ? »
La question est légitime, et le ministère de la Culture y a répondu à sa façon. « L’effort qu’on demande à Radio France est soutenable, a indiqué Franck Riester sur RMC et BFM TV. [...] Il y a déjà eu des efforts qui ont été faits [...]. Cela a-t-il été pénalisant pour la qualité des programmes ? Non. Pour les audiences ? Non. » Comme si les bonnes audiences actuelles des stations et leur relative qualité – faute d’argent, des formats élaborés ont disparu des ondes, ainsi que les émissions nocturnes notamment – justifiaient de pouvoir toujours cisailler le budget…
Dans un mail envoyé ce lundi aux équipes, Sibyle Veil réexplique sa démarche : « Le niveau de ressources que l’État nous attribue n’a jamais suivi la courbe de nos audiences, on n’a pas réduit notre financement au motif que, dans d’autres temps, nos audiences étaient moins exceptionnelles. Cette décorrélation entre nos audiences et nos revenus est un des marqueurs du service public : c’est ce qui fait qu’on peut privilégier la qualité, la fiabilité de l’information, la diversité culturelle, la création et un débat apaisé plutôt que la recherche de l’audimat et du buzz. C’est pourquoi, même s’il ne joue pas aujourd’hui en notre faveur, ce n’est pas un principe sur lequel il serait souhaitable de revenir. »
Après un mouvement de grève qui a largement perturbé les antennes la semaine dernière – et que certains poursuivent encore aujourd’hui –, l’inquiétude demeure chez les employés. « Avec ce plan et la fin de recrutement, pour de nombreuses années, sur les métiers techniques, de la réalisation, de la documentation… on sonne le glas de la transmission aux plus jeunes, des savoir-faire exceptionnels construits et enrichis, générations après générations, tout au long de l’histoire de la radio », regrette Jean-Paul Quennesson, syndicaliste Sud et représentant des salariés, auprès du conseil d’administration de Radio France. Une vision que partagent les techniciens du groupe, qui rappellent dans un module sonore le sens de leur métier, et les risques de dégradation encourus si le plan stratégique était suivi. Les salariés du groupe ont lancé une pétition pour “soutenir une radio de service public et de qualité”.
Dans L’instant M lundi matin, Sonia Devillers recevait sur une « radio abîmée » (France Inter) le sénateur PS David Assouline, pour évoquer la baisse programmée de la redevance (moins un euro), alors que Radio France doit économiser 60 millions d’euros. « C’est un non-sens absolu, lançait-il. [...] C’est la première fois qu’on baisse cet impôt depuis sa naissance. » Juste avant dans la matinale d’Inter, Nicolas Demorand demandait « pourquoi fragiliser les radios publiques ». Invitant les auditeurs à s’exprimer sur la question, notamment auprès de la médiatrice de Radio France. Comme un appel à l’aide, un de plus, dans une situation qui semble bloquée.