Grève à Radio France : la direction change son plan… pas son objectif |
Sibyle Veil, à la tête la Maison ronde, propose de modifier la façon de réduire la masse salariale de Radio France. Une méthode qui ne convainc pas encore les syndicats, après plus de 50 jours de grève.
Il faut que l’on sorte de cette situation. » Jeudi 23 janvier, Sibyle Veil, pdg de Radio France, s’est adressée dans un courriel aux 4600 salariés de Radio France, après 52 jours de grève. « La direction a fait le choix de s’exprimer le moins possible ces dernières semaines sur la grève et sur les négociations en cours », précise-t-elle, alors que certains pointent son silence et l’estiment enfermée dans une tour d’ivoire. Pour résoudre le conflit actuel, elle propose de transformer le plan de départs volontaires (actuellement estimé à 210) prévu en une rupture conventionnelle collective.
« La direction argue que cela réduirait le nombre de suppressions de postes », précise Lionel Thompson, de la CGT. Un effet de noria se produirait : « Le plan de départs volontaires avait fixé les postes concernés, secteur par secteur [par exemple trente au sein du chœur de Radio France, ndlr], explique Jean-Paul Quennesson, du syndicat Sud. Avec une rupture conventionnelle, pourrait partir qui veut. Notamment ceux qui approchent l’âge de la retraite. Ils pourraient être remplacés par des jeunes, dont le salaire est moins important. Cela ferait baisser la masse salariale et, mécaniquement, permettrait de diminuer le nombre de suppressions de postes. »
Risques psycho-sociaux
Mais cela suffira-t-il à pacifier la Maison ronde, à la fois éreintée par cette grève historique (presque deux fois plus longue que celle de 2015), et déçue de se sentir si mal considérée par les pouvoirs publics ? Dans une interview à Libération, Franck Riester, le ministre de la Culture, a renouvelé sa « confiance » à Sibyle Veil, estimé que l’effort financier demandé à Radio France lui paraît « soutenable », et rappelé avec cynisme que l’État investit dans le chantier de la Maison de la radio (qui était censé se terminer en 2016), « avec 43,9 millions d’euros [injectés dans la rénovation du bâtiment], nous améliorons les conditions de travail ».
Le souci des conditions de travail est justement au cœur des revendications des syndicats, qui pointent les risques psycho-sociaux (actuellement à l’étude, à leur demande) qu’engendreront les suppressions d’emplois — dans une maison déjà touchée par le non remplacement d’un départ à la retraite sur deux.
« La rupture conventionnelle collective donne plus de souplesse, mais cela générera tout de même des tensions et des contraintes dans l’organisation de l’entreprise, estime Jean-Paul Quennesson. La vision reste comptable et technocratique. Dans son mail, Sibyle Veil écrit que “le conflit qui dure depuis 52 jours est en train d’abîmer notre maison” ; or c’est son projet qui l’abîme, pas la grève ! Ce plan, c’est du flan, sans vision stratégique. La direction doit revenir vers nous avec une plage blanche, et mieux prendre en compte les risques psycho-sociaux. »
La proposition de Sibyle Veil conduira-t-elle la CGT à suspendre son appel à une grève illimitée ? Le syndicat Sud, par exemple, réfléchit à « des mobilisations massives à répétition ».